« Ce colloque, organisé par le CJ2A et l’université de LYON 2 a réuni un public nombreux en présentiel et également en distanciel.
Les débats furent riches et nombres de questionnements sur l’ « usage » dans le monde de l’assurance de la médiation ont été soulevés.
A la demande du Président des courtiers du SYCRA, Syndicat des Courtiers d’assurance, né il y quelques 80 ans a LYON, Monsieur Eric LAMOURET, Jacques REVOL, médiateur et ancien assureur, a recensé les principales questions abordées lors de la journée dans un article édité dans le bulletin de ce syndicat ces derniers jours.
L’intention est d’éclairer les courtiers d’assurance sur la complexité de la médiation et des « MARD » et sur la réalité de ses applications dans le monde de l’assurance, qui fut précurseur de ce qui est appelé depuis « médiation de la consommation » mais qui d’avère limité dans de possibles applications « médiation conventionnelle », laissant la place à des possibilités qui pourraient enrichir toutes les composantes de cet univers et principalement les assurés !
La proposition de retrouver autour d’une table de travail tous les acteurs, sous l’égide le l’université, est ouverte ! «
Compte rendu de Jacques Revol -février 2022
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ARTICLE POUR LE BULLETIN du SYCRA
Par Jacques REVOL médiateur, ancien assureur
Un colloque MEDIATION ET ASSURANCE a réuni une belle assemblée, d’une part en présentiel, d’autre part en distanciel, à l’initiative du CJ2A (Centre de Justice Amiable des Avocats) dans les locaux de l’ordre des avocats à LYON avec la participation active de l’université de LYON 2, le vendredi 28 janvier 2022.
Votre président Eric LAMOURET participait à la table ronde sur « le rôle des différents acteurs au moment de la finalisation de la médiation » et j’étais moi-même intervenant, le matin, dans les tables rondes sur « la place de la médiation dans les assurances de PJ » et « la place de la médiation dans les assurances de responsabilité ».
L’objet de cette rencontre était de faire le point sur l’usage actuel des processus de médiation dans le monde de l’assurance.
La MEDIATION de la CONSOMMATION dans l’assurance, c’est quoi ?
Et la réponse des médiateurs fuse immédiatement : la médiation conso ce n’est pas de la médiation !
Ils ont raison, sauf que …
Je suis l’un des intervenants possibles en cas de conflit entre vous-mêmes, adhérents du SYCRA, et l’un de vos assurés dans le cadre de l’obligation légale, qui vous est imposée depuis le 1° janvier 2016 par la loi de la médiation de la consommation. Vous devez indiquer le nom d’un centre de la médiation de la CONSO à vos clients et le SYCRA a choisi l’ANM, (Association National des Médiateurs), qui peut me missionner entre autres médiateurs régionaux.
L’intervention de ce médiateur est à votre charge, le particulier étant exonéré de tout règlement. Il est prévu de gérer ces conflits en trois mois. Le mode informatique et téléphonique est privilégié. Au terme de ces trois mois, ce médiateur doit donner un avis, si vous n’êtes pas arrivé à trouver un accord avec votre client.
Et c’est en ce sens que la MEDIATION DE LA CONSO n’est pas de la médiation, car la MEDIATION CONVENTIONNELLE interdit au médiateur de donner un avis, de prendre une position, ni même de la suggérer. En ce sens, la médiation de la consommation peut être incluse dans la médiation dite « institutionnelle », à contrario de la médiation judiciaire et conventionnelle.
La médiation de la consommation ressort probablement plus de la CONCILIATION, que de la médiation !
La médiation dans l’assurance fait en ce sens également partie de la médiation institutionnelle. Il faut rappeler que les assureurs ont été dans les premiers à mettre en place ces processus de médiation de la consommation.
Lors de ce colloque, j’ai affirmé qu’en tant qu’ancien assureur, j’étais à l’aise en « médiation conso » puisque ma connaissance de l’assurance m’autorisait à donner un avis et ce beaucoup plus qu’en « médiation conventionnelle » où la connaissance du métier d’assurance peut perturber l’interdiction qui m’est faite de prendre une position, ou d’induire une solution et donc peut perturber ma neutralité.
En ce sens, j’accepte, avec prudence, lors de médiation conventionnelle, les missions qui me sont proposées dans le monde de l’assurance.
La MEDIATION CONVENTIONNELLE, c’est quoi ?
Alors qu’est la médiation « conventionnelle », à contrario de la médiation « institutionnelle » ? Quelles significations recouvrent ce mot « MEDIATION »?
Force est de constater que le mot médiation est un mot « valise ».
Les instances européennes, comme les instances judiciaires nationales, se refusent de faire la différence entre « médiation » et « conciliation ». Si cette différence peut paraitre ténue pour un non spécialiste, elle est importante pour nous les médiateurs conventionnels ! La posture de médiateur, le processus de médiation, et les responsabilités qui découlent du Code National de Déontologie, auquel seuls les médiateurs diplômés sont soumis, nous conduit éthiquement.
Le nombre d’heure de formation (200 heures de base) plus l’obligation de formation continue et l’obligation de supervision sont d’autres différences d’importance entre médiateurs et conciliateurs.
Si le médiateur peut être conciliateur, l’inverse n’est pas vrai.
De même, ce mot médiation englobe pour les non professionnels tout ce que contiennent les « Mard » (Modes Alternatifs de Règlement de Différents) dont la «négociation » par exemple (négociation raisonnée d’Harvard …).
De même, la transaction est comprise dans cet ensemble des « Mard ». Elle est une pratique possible pour un médiateur, outre que cet exercice a une connotation judiciaire précise et que l’on peut se poser la question de la pertinence d’un amalgame entre ces deux « Mard ».
L’arbitrage est également un « Mard », plus spécifique et il est pratiqué par des « arbitres » qui ont pour mission de juger, de trancher le litige. Certains envisagent de coupler l’arbitrage avec la médiation nommant cet exercice la « Médarb » tel que pratiquée au Canada.
L’assurance pratique l’arbitrage depuis longtemps également (voir le CEFAREA)
D’autres « Mard » sont plus spécifiquement réservés aux avocats …
Le constat général est que la médiation conventionnelle est encore trop peu mise en pratique dans les métiers de l’assurance.
Le processus d’escalade, lorsqu’un sinistre est ouvert, n’autorise de sortie vers la médiation que par le haut (proposition inscrite dans les contrats de recourir au médiateur de l’assurance que lorsque toutes les autres voies de recours auront échouées).
Si les « intermédiaires » d’assurances que vous êtes sont naturellement des intermédiaires dans une quasi posture de médiateurs entre clients et compagnie, vous ne pouvez pas néanmoins initier un processus de médiation, stricto sensu ou tous autres modes alternatifs, de votre propre chef …
Si les inspecteurs régleurs des compagnies, lorsqu’ils existent encore, pourraient être également des quasi intermédiaires médiateurs, ils ne peuvent pas non plus initier un processus de médiation conventionnelle, …
Si les experts indiquent souvent, lors du dépôt de leurs conclusions, que la solution est a portée de mains, ils ne peuvent pas, eux non plus, préconiser un quelconque « Mard »! …
Le recours à la médiation conventionnelle n’est pas « autorisé » moins encore préconisé par les instances supérieures de la profession d’assurance.
Il est possible de constater ce manque d’accès aux processus de médiation conventionnelle au cours du processus d’escalade. Le fait que les compagnies mettent rarement un « visage », une « personne physique » en face d’un client mécontent en cas de conflit est un constat aggravant. Le processus de décision dans les compagnies n’est-il pas un processus de décision individuelle, mais plutôt un processus de décision collective ? C’est probablement là encore un élément aggravant pour l’introduction de la médiation conventionnelle.
Alors, la MEDIATION dans l’ASSURANCE, ce pourrait être quoi ?
Les interventions dans ce colloque des assureurs en les personne de Jean Christophe LEGENDRE, directeur innovation de CFDP, et de Serge VINCENT, responsable service sinistres graves de GROUPAMA Rhône Alpes Auvergne, ont peut être permis de poser un certain nombre de « recommandations » qui pourraient être travaillées entre assureurs et médiateurs.
- Il n’y a pas de la part des assureurs de recherche de gain de temps pour régler le plus tard possible, mais la logique de règlement rapide prévaut : la médiation ne pourrait-elle pas être vecteur de cette logique ? La médiation ne pourrait-elle pas être un processus d’accélération de futures décisions ?
- Il est cité à l’occasion de la crise COVID l’exemple des garanties PE : une logique de discussion semble avoir été ouverte : la encore la médiation ne pourrait-elle être vecteur de cette logique ? La médiation ne pourrait-elle pas avoir sa pertinence là aussi?
- Les alertes des avocats des compagnies ou des experts d’assurances sur la possibilité d’ouverture vers une négociation sont-elles suffisamment entendues par les services ? Comment avocats de compagnie et experts d’assurances pourraient-ils initier un processus de médiation, en présence d’une personne physique représentant la compagnie ? Les avocats, les inspecteurs de compagnies pourraient-ils être initiateurs de ces processus ?
- Accélérer les décisions de règlement des conflits,
- Trouver la pertinence des logiques de discussion,
- Etre initiateurs des processus de « Mard » :
Les recommandations éthiques et déontologiques des avocats comme celles des médiateurs ne pourraient-elle pas se retrouver sur ces facilitations ?
Des services dédiés au sein des compagnies, des programmes de connaissances et d’incitations aux processus de médiation dans les groupements d’experts, ne pourraient-il être réfléchis tous ensemble ?
Par ailleurs,
- Comment les compagnies de Protection Juridique, qui préconisent pour certaines d’entre elle les processus amiables, pourraient elles favoriser le développement de ces processus ?
- Ne serait-il pas possible de faciliter un accord pour entrer dans de tels processus, sans déclaration de sinistre préalable avec la simple acceptation de deux intervenants PJ ?
- Ne serait-il pas envisageable d’ouvrir la prise en charge sur plusieurs lignes (processus amiable, procédures judiciaires) ?
- Ne serait-il pas facilitant pour une prise en charge d’honoraires, probablement toujours forfaitaires, tant ceux des médiateurs que ceux des avocats, de prévoir des coûts plus proches de la réalité ?
Autant de questions posées lors de cette journée, après le constat que, dans les questions de responsabilité, comme dans les questions de règlement des indemnisations, il est rarement fait appel aux « Mard » par les sociétés d’assurances.
Ne conviendrait-il pas de questionner vos instances paritaires pour faciliter le dialogue entre assureurs et assurés, entre assurés entre eux ?
Ne conviendrait-il pas de mettre autour d’une table de travail, directeurs de compagnies, courtiers, agents, avocats et médiateurs pour imaginer des réponses à ces questions ?
Les médiateurs peuvent être vos correspondants, vos interlocuteurs premiers pour tenter d’introduire plus d’humanité dans des relations humaines qui se digitalisent dramatiquement, comme partout, alors que l’assurance doit rester un métier de relation entre deux parties plus que tout autre !
Les médiateurs, neutres et indépendants, pourraient également être interrogés, directement par les services des compagnies sur la pertinence de mettre en place l’un des « Mard » dans tel ou tel dossier.
Le courtier d’assurance est le premier maillon de cette relation/client, le premier défenseur de la belle image de l’assurance, le premier défenseur de son client. Le médiateur conventionnel peut être interpellé à votre meilleure diligence, comme il devrait pouvoir être interpellé à la meilleure diligence des compagnies!
Jacques REVOL en Février 2022
Médiateur de la consommation pour le compte de l’ANM,
Médiateur judiciaire et conventionnel membre du RME (Réseau des Médiateurs d’Entreprise), du CIMA (Centre Interprofessionnel de Médiation et d’Arbitrage), de l’ANM (Association Nationale des Médiateurs),
Animateur du collectif informel des associations de médiation en AURA.