Sénat : Confidentialité de la de la médiation – Question écrite n°05167 – 16e législature


Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle – NI) publiée le 09/02/2023

M. Jean Louis Masson attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le fait que les procédures de médiation qui tendent à se développer sont gouvernées par un principe de confidentialité faisant obstacle à ce que les parties à la médiation rapportent le contenu des échanges. Or certains assureurs demandent à leurs avocats intervenant pour le compte des assurés d’établir des comptes rendus de réunions de médiation. Il lui demande si cela contrevient au principe de confidentialité de la médiation.

Publiée dans le JO Sénat du 09/02/2023 – page 906

Réponse du Ministère de la justice publiée le 23/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 22/03/2023

Le processus de médiation est protégé par un principe de confidentialité consacré par l’article 21-3 de la loi du 8 février 1995. Ce principe concerne tant la médiation judiciaire (article 131-14 du code de procédure civile) que conventionnelle (article 1531 du code de procédure civile). Il connaît toutefois deux exceptions : il peut être écarté pour des motifs d’ordre public (motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne par exemple) ou lorsque la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution. Hormis ces hypothèses ou sauf accord unanime des parties, le principe de confidentialité impose que le secret soit conservé sur les informations, propositions ou concessions reçues par le médiateur. Il s’agit donc d’un enjeu central de la médiation. Les parties doivent pouvoir être assurées qu’en cas d’échec de leur démarche amiable, aucune de leurs déclarations ne pourra être ultérieurement utilisée à leur encontre. Ce principe permet à chaque partie de de négocier plus librement et favorise ainsi la résolution amiable d’un litige. Dès lors, les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées à des tiers, ni invoquées ou produite dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties. Cette confidentialité s’étend aussi à tous les acteurs de la médiation et notamment aux avocats qui assistent les parties à cette occasion. Le compte-rendu de médiation établi par l’avocat est donc couvert par le secret et ne peut être divulgué que dans les limites et les conditions convenues par les parties et le médiateur. L’avocat ne peut donc pas communiquer des renseignements confidentiels à un tiers à la médiation, y compris à la demande de l’assureur de protection juridique par exemple. D’ailleurs, dans le cadre d’une médiation, l’avocat reste soumis à l’intégralité des obligations déontologiques de sa profession. Le secret professionnel de l’avocat est donc opposable à l’assureur de protection juridique. Seul l’assuré, peut être tenu d’informer l’assureur, de l’évolution de l’affaire, dans les conditions prévues par le contrat de protection juridique. Ainsi, toute clause d’un contrat qui prévoirait que l’avocat lui-même est tenu de rendre des comptes à l’assureur serait illégale (L. n° 95-125, art.21-3). Dans ces conditions, dès lors qu’aucun accord n’a été conclu sur cette utilisation, le recueil d’informations sur le déroulement de la médiation par l’avocat à la demande de l’assureur constitue une violation du devoir de confidentialité s’imposant à tous les acteurs de la médiation.

Publiée dans le JO Sénat du 23/03/2023 – page 2042

A consulter sur https://www.france.tv/sport/cyclisme/liege-bastogne-liege/tous-les-directs/

Confidentialité de la médiation : question écrite n° 05167 de M. Jean Louis Masson (Moselle – NI) publiée dans le JO Sénat du 09/02/2023 – page 906


A consulter https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230205167.htmlsur

« La déontologie et la formation du médiateur : une question de confiance » par Michèle Guillaume-Hofnung et Fabrice Vert (actu-juridique.fr)


« Selon le rapport sur la justice du XXIe siècle, seulement 1 % des affaires judiciaires font l’objet d’une médiation. Le défi de la politique nationale de l’amiable, annoncée le 13 janvier dernier par le garde des Sceaux, va consister précisément à sortir la médiation de cette confidentialité. Fabrice Vert, Premier Vice-président au tribunal judiciaire de Paris et Michèle Guillaume-Hofnung, Professeure émérite des facultés de droit, estiment qu’il faut agir sur la confiance, ce qui passe en particulier par la déontologie et la formation.

Médiation et conciliation : modes premiers de règlement des litiges ? Tel est le titre d’un article de la première présidente Chantal Arens et de la professeure de droit Natalie Fricéro publié le 25 avril 2015 par la Gazette du palais. On en est encore bien loin quand on sait par exemple que selon le rapport sur la justice du XXIe siècle seulement 1 % des affaires judiciaires font l’objet d’une médiation.

La politique nationale de l’amiable annoncée le 13 janvier dernier solennellement par le garde des Sceaux reste à construire.

La confiance ne se décrète pas  

Un des leviers d’acculturation de la médiation dans les milieux judiciaires mérite d’être travaillé. Il s’agit de la confiance dans le médiateur et dans la médiation accordée par les juges, les avocats, les justiciables et les pouvoirs public » (Extrait de actu-juridique.fr du 13/02/2023)

En savoir plus sur https://www.actu-juridique.fr/international/marl/la-deontologie-et-la-formation-du-mediateur-une-question-de-confiance/

« Le sceau du secret et la médiation » par Laura Viaut, maître de conférences en histoire du droit à l’université Panthéon-Sorbonne (actu-juridique.fr)


« La médiation est aujourd’hui largement pratiquée. Le problème de sa confidentialité, que la doctrine avait déjà posé, a été partiellement résolu par un récent arrêt de la Cour de cassation.

Depuis le début des années 2000, et plus encore depuis la loi de 2016 portant modernisation de la justice au XXIe siècle, les modes alternatifs de règlement des conflits s’insèrent aujourd’hui, sous le sigle MARC, en droit positif français. La médiation en fait partie. L’article 131-1 du Code de procédure civile dispose que « le juge, saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose ». Si le processus est aujourd’hui bien développé, il pose encore un certain nombre de difficultés au rang desquelles on trouve le problème de la confidentialité.

L’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 dispose que « sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité ». Ce principe est également posé aux articles 131-14 et 531 du Code de procédure civile et à l’article L. 213-2 du Code de justice administrative. Comme l’avait souligné M. Reverchon-Billot, le principe de confidentialité, ici énoncé, est le fondement de la justice participative1. Par l’application de ce principe, les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties.

Le principe est beau, mais il reste très difficile à mettre en œuvre. Il est vrai que tout au long de la médiation, les parties sont invitées à se rapprocher et à trouver un accord en faisant des concessions. La partie qui va vers son adversaire ne doit en aucun cas avoir à le faire avec la crainte que sa bonne volonté puisse se retourner contre elle. Les déclarations ou constatations du médiateur, de même que les offres faites par ce dernier, ne doivent pas pouvoir être utilisées par les parties au cours d’une procédure juridictionnelle2.

L’arrêt rendu le 9 juin 2022 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation apporte quelques éclaircissements quant aux contours de la confidentialité de la médiation. » (Extrait de actu-juridique.fr du 9/02/2023)

En savoir plus sur https://www.actu-juridique.fr/international/marl/le-sceau-du-secret-et-la-mediation/

97ème Café de la médiation (visioconférence) : « La déontologie, le premier atout éthique et technique du médiateur  » le 9/02/2023, de 18h à 19h30 organisé par l’IFOMENE avec Romain Carayol, président de la FFCM


« Comprendre les règles de la médiation

« Bien souvent, le jeu nous passionne alors que la règle du jeu nous ennuie. En médiation, au contraire, ce sont les règles qui donnent envie de jouer. C’est la déontologie qui suscite la confiance initiale et qui protège les acteurs.
En effet, le médiateur suscite d’abord la méfiance car il n’a ni l’aura du magistrat ni le statut de l’expert et surtout, il n’est pas membre d’une profession réglementée.

Alors, comment accueillir cet étranger, cet intrus dans un douloureux ou délicat conflit familial, social, commercial ? Confidentialité, neutralité, indépendance font partie de ces gages de fiabilité. » (Extrait)

Inscription sur https://www.eventbrite.fr/e/inscription-97eme-cafe-de-la-mediation-et-de-la-negociation-webinaire-519589224357

« Développons ensemble la qualification Médiation 21 » par SYME


« Aujourd’hui, toute personne peut se prévaloir de la qualité de médiateur. Et c’est un véritable souci, du point de vue des usagers de la médiation, qui ne savent où choisir un professionnel. Cela ne facilite pas non plus la tâche des prescripteurs, qui n’ont pas davantage les moyens d’évaluer leurs compétences. C’est pénalisant enfin pour tous les médiateurs qui, cherchant à développer une activité, peuvent pâtir de possibles contre-performances de collègues insuffisamment expérimentés.

Reconnaissons de plus qu’il est complexe et hasardeux de mesurer une compétence. Mener une médiation demande, au delà des savoirs-faire, beaucoup de savoir-être voire un certain talent. Tout cela ne peut s’apprécier que dans de vrais contextes de médiation. Pour autant, il existe de nombreux éléments, qui, quand ils sont réunis, témoignent des efforts et des engagements continus d’un médiateur pour devenir un authentique professionnel. Ces éléments sont notamment une formation initiale suffisante, une formation continue annuelle, une réflexion régulière sur ses pratiques, une adhésion à un code de déontologie, le mentorat de juniors, et une transparence sur l’expérience et l’activité réelle en médiation…

Un groupe de travail du collectif Médiation 21, dont le SYME est un membre fondateur, a longuement travaillé sur ces différents critères. Ils définissent ce que nous appellerons désormais la ‘Qualification Médiation 21’. Le collectif a également validé que chacune de ses entités membres aurait, à compter de janvier 2023, et à titre expérimental pour l’instant, la possibilité d’attribuer, à ses adhérents, cette qualification au nom de Médiation 21, sous réserve d’effectuer une vérification rigoureuse que les critères de qualification sont atteints.

Le SYME est en train de préparer les outils qui lui permettront tout prochainement de proposer cette qualification à ses adhérents, et de contribuer, à son niveau, mais de la façon la plus active, au développement national de cette qualification. Il est clair en effet que cette qualification n’aura d’impact que si elle est largement diffusée. Le développement de cette qualification permettra aussi l’établissement, au niveau national, de listes de médiateurs et de statistiques d’activité, deux éléments dont l’absence est perçue comme un obstacle à une bonne perception de la médiation dans notre pays.

L’enjeu de cette qualification est donc particulièrement important, tant en termes de crédibilité que de visibilité et de communication des médiateurs. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés, dans les prochaines semaines, de notre avancement pour l’attribution de cette qualification. » (Extrait de syme.eu du 14/01/2023)

En savoir plus sur https://www.syme.eu/articles/112077

Revue: Le GREM, revue trimestrielle du Groupe de Recherche Ethique en Médiation, N° 1/ 2022, 39 p.


Information sur la revue : gremraa@gmail.com

« Pourquoi faut-il prendre la « médiation » au sérieux ? » (Partie 2/3) Michèle GUILLAUME HOFNUNG, ManagerSante.com, N°17, Juillet 2022


« Si l’on veut avoir une idée de ce que pourrait être une démarche qualité, on ne peut guère s’appuyer pour l’instant que sur des exemples nationaux et sectoriels, au premier rang desquels celui de la médiation familiale.[1]

La question est alors de savoir si, pour raisonner dans une perspective internationale, on peut partir d’une réflexion sectorielle et interne. On peut augurer que l’approche scientifique de la médiation suivra la même trajectoire que celle de la négociation, dont les études nationales et sectorielles ont précédé celles de la négociation internationale. La théorie des négociations internationales a en effet bénéficié des modèles élaborés pour les négociations commerciales internes.[2]

La responsabilité d’une démarche qualité incombe à tous les acteurs, tant nationaux qu’internationaux, tant publics que privés. Les points de vigilance fondamentaux concernent son régime juridique, son emploi bien ciblé, le respect du potentiel des sociétés dont elle a surgi et la qualité de la formation à la médiation.

Lui assurer un régime juridique correspondant à sa nature

L’hétérogénéité des régimes juridiques résulte du flou terminologique déjà souligné qui contraste avec la rigueur conceptuelle de la médiation et dont elle souffre. Or, l’hétérogénéité confine à l’incohérence, non seulement d’un pays à l’autre, mais encore à l’intérieur d’un même pays.

On voit bien le risque d’incohérence, génératrice d’injonction paradoxale, qu’il y a à mettre l’accent, pour en vanter les bienfaits, sur l’esprit de liberté de la médiation et à l’imposer[3] : « Soyez libre, c’est obligatoire ».

La plupart des législations coulent la médiation dans les régimes juridiques qui conviendraient mieux à la conciliation. Dans la conciliation, le troisième peut par exemple ne pas être un tiers ; ce qui compte est de parvenir à un accord amiable, c’est d’ailleurs ainsi que se définit d’ailleurs la conciliation.

Il n’y a donc pas d’impossibilité ontologique à rendre obligatoire le recours à la conciliation, même si cela n’est guère efficace. Le conciliateur peut aussi être un juge, tandis que ce dernier, en raison de son pouvoir, ne peut pas être médiateur.

L’employer avec discernement

La médiation ne saurait résoudre tous les maux des sociétés nationales ou de la société internationale, si tant est que cette dernière existe. Il est ainsi de vraies contre-indications à l’usage de la médiation. Une situation dans laquelle un partenaire veut faire pression pour obtenir un résultat, ou l’intercesseur cherche à obtenir un résultat préconçu, où il n’est accepté qu’en raison de son pouvoir de nuisance ou de son influence, augure plus d’une négociation que d’une médiation. Cette dernière en revanche convient bien à la sphère de la diplomatie des sociétés civiles[4] ou lorsqu’il s’agit de créer des rapports horizontaux de type coopératif entre un supposé dominant et un supposé dominé.[5] » (Extrait managersante.com)

En savoir plus sur https://managersante.com/2022/07/04/pourquoi-faut-il-prendre-la-mediation-au-serieux-michele-guillaume-hofnung-nous-eclaire-partie-2-3/?s=09

« Précision sur le principe de confidentialité dans le cadre de la procédure de médiation » par Alexandra Martinez-Ohayon (lexbase.fr)


« En dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l’atteinte à l’obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l’accord de la partie adverse, soient, au besoin d’office, écartées des débats par le juge ; la Haute juridiction censure le jugement rendu par un tribunal d’instance n’ayant pas écarté les pièces versées aux débats par le demandeur, qui étaient en l’absence d’accord de la partie défenderesse couvertes par l’obligation de confidentialité.

Faits et procédure. Dans cette affaire, se plaignant de la mauvaise exécution d’un contrat de location de voiture et à la suite de l’échec d’une procédure de médiation, un client a saisi un tribunal d’instance à fin d’être indemnisé de ses préjudices matériels et moral. Ce dernier a produit au soutien de son assignation, une déclaration au greffe exposant ses demandes et moyens, ainsi que différentes pièces relatives à la procédure de médiation. La défenderesse énonçant l’inobservation d’une formalité d’ordre public tirée du non-respect du principe de la confidentialité de la médiation, a sollicité à titre principal, la nullité de la déclaration au greffe et de l’assignation, et à titre subsidiaire, a demandé que soient écartées des débats les pièces couvertes par la confidentialité, et la condamnation du demandeur à titre de dommages et intérêts pour violation du principe de confidentialité. (Extrait lexbase.fr du 15/06/2022)

En savoir plus sur https://www.lexbase.fr/article-juridique/85542576-breves-precision-sur-le-principe-de-confidentialite-dans-le-cadre-de-la-procedure-de-mediation

La Cour de cassation sécurise la confidentialité : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 9 juin 2022,


RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 592 FS-B

Pourvoi n° M 19-21.798

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022

La société Auto escape, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 19-21.798 contre le jugement rendu le 26 juin 2019 par le tribunal d’instance de Marseille, dans le litige l’opposant à M. [O] [R], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Auto escape, de Me [R], avocat de M. [R], et l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l’audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal d’instance de Marseille, 26 juin 2019), M. [R], se plaignant de la mauvaise exécution d’un contrat de location de véhicule conclu avec la société Auto escape, l’a assignée devant un tribunal d’instance à fin d’être indemnisé de ses préjudices matériel et moral, après l’échec d’une médiation.

2. Au soutien de son assignation, M. [R] a produit une déclaration au greffe exposant ses demandes et moyens, ainsi que différentes pièces relatives à la procédure de médiation.

3. Devant le tribunal, la société Auto escape, se fondant sur l’inobservation d’une formalité d’ordre public tirée du non respect du principe de la confidentialité de la médiation, a soulevé, à titre principal, la nullité de la déclaration au greffe et de l’assignation, et, à titre subsidiaire, a demandé que soient écartées des débats les pièces n° 1 à n° 6 produites par le demandeur, couvertes par la confidentialité, et que M. [R] soit condamné à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du principe de confidentialité.

Sur le moyen relevé d’office

4. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, L. 612-3 du code de la consommation et 9 du code de procédure civile :

5. Aux termes du premier de ces textes, auquel renvoie le deuxième, sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité.

6. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties. Il est fait exception aux alinéas précédents dans les deux cas suivants :

a) En présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne ;

b) Lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en oeuvre ou son exécution.

7. Lorsque le médiateur est désigné par un juge, il informe ce dernier de ce que les parties sont ou non parvenues à un accord.

8. Aux termes du troisième de ces textes, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

9. Il en résulte qu’en dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l’atteinte à l’obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l’accord de la partie adverse, soient, au besoin d’office, écartées des débats par le juge.

10. Pour rejeter la demande de nullité formée par la société Auto escape et la condamner à payer à M. [R] certaines sommes, le tribunal a statué au vu des pièces versées aux débats.

11. En statuant ainsi, le tribunal, qui aurait dû, au besoin d’office, écarter des débats celles des pièces produites par M. [R], issues de la procédure de médiation, qui étaient couvertes par l’obligation de confidentialité, en l’absence d’accord de la société Auto escape, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 juin 2019, entre les parties, par le tribunal d’instance de Marseille ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Marseille.

Condamne M. [R] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer à la société Auto escape la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société Auto escape

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Autoescape fait grief au jugement attaqué

D’AVOIR rejeté sa demande de nullité de l’acte introductif d’instance et DE L’AVOIR condamnée à payer à M. [R] la somme de 664 € à titre principal et celle de 1 000 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QU’« en l’espèce, l’avis du Médiateur Tourisme et Voyage du 7 décembre 2018, versé aux débats par le requérant, est extrêmement succinct, se borne à citer un bref extrait des conditions générales du contrat litigieux, dont les termes ne sont ni contestables, ni contestés, et à indiquer que ce texte « porte à confusion » sans compléter cette opinion, toujours à propos du contrat litigieux, par un développement argumenté la justifiant ; qu’ainsi la société Autoescape n’établit pas que la production de cet avis, qui ne fait en réalité qu’énoncer l’objet du litige, est de nature à lui faire grief ou à conforter la position de M. [R] » ;

ALORS QUE l’irrégularité qui entache l’acte introductif d’instance, en ce qu’il méconnaît le principe de la confidentialité des constatations du médiateur ou les déclarations recueillies au cours de la médiation, cause nécessairement un grief au défendeur ; qu’en retenant que la société Autoescape ne rapporte pas la preuve du grief qui lui serait causé par la référence explicite à l’avis du Médiateur Tourisme et Voyage qui reconnaît que les conditions générales du contrat litigieux portent à confusion, quand un tel grief résultait nécessairement de cette divulgation, le tribunal a violé les articles 114 du code de procédure civile, ensemble l’article L. 612-3 du code de la consommation.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

La société Autoescape fait grief au jugement attaqué

DE L’AVOIR condamnée à payer à M. [R] la somme de 664 € à titre principal et celle de 1 000 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « le caractère particulièrement exceptionnel de l’obligation, pour effectuer un paiement, de recourir à une carte bancaire CREDIT dont la différence avec une carte bancaire DEBIT est très généralement ignorée d’un public résidant en France, impose au professionnel qui, par hypothèse, doit savoir qu’un usager avec qui il a conclu un contrat peut, le plus souvent à l’étranger, se trouver confronté à une difficulté de paiement liée à cette différence de paiement liée à cette différence de prendre toutes les précautions pour qu’une information spécifique apparaisse clairement et lisiblement dans sa documentation contractuelle ; qu’il ressort des explications des parties, des éléments du dossier et des pièces versées aux débats visées dans leurs écritures que ce n’est à l’évidence pas le cas, ce qui constitue une faute de la part de la société Autoescape » ;

1°) ALORS QU’en ne répondant pas aux conclusions de la société Autoescape faisant valoir que les pièces n° 1 à 6 devaient être écartées des débats en ce que leur production violait le principe de confidentialité de la médiation, le tribunal a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU’après avoir énoncé qu’il incombe au professionnel qui impose l’usage d’une carte bancaire de type crédit de prendre toutes les précautions pour qu’une information spécifique apparaisse clairement et lisiblement dans sa documentation contractuelle, le tribunal ne pouvait, sauf à violer l’article 455 du code de procédure civile, se borner à affirmer qu’il ressort des explications des parties, des éléments du dossier et des pièces versées aux débats que ce n’est à l’évidence pas le cas, sans analyser, fut-ce sommairement, les éléments de preuve sur lesquels il s’est fondé ;

3°) ALORS, en toute hypothèse, QU’en s’abstenant de expliquer, comme il le lui incombait, en quoi les documents contractuels n’étaient pas de nature à éclairer un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé sur l’obligation de recourir à une carte bancaire de crédit, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 du code de la consommation et 1231-1 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

La société Autoescape fait grief au jugement attaqué

DE L’AVOIR condamnée à payer à M. [R] la somme de 664 € à titre principal ;

AUX MOTIFS QUE « la demande de M. [R] est justifiée ; qu’il y a lieu d’y faire droit et de condamner cette société à lui payer la somme de 664 € à titre principal et celle de 1 750 € de dommages et intérêts et frais irrépétibles » ;

1°) ALORS QU’en se bornant à affirmer que la demande de M. [R] est justifiée, le tribunal n’a pas donné à sa décision une réelle motivation, en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Et subsidiairement,

2°) ALORS QUE lorsqu’une prestation promise n’est pas exécutée et que le cocontractant est contraint de réserver une prestation de remplacement, il ne peut solliciter que le remboursement de la prestation initiale et l’indemnisation de la différence de prix, si la prestation de remplacement s’avère plus onéreuse ; qu’en condamnant la société Autoescape au paiement de la somme de 664 € à titre de dommages et intérêts à M. [R] en réparation de son préjudice financier, ce qui revient à le faire bénéficier d’une prestation totalement gratuite, le tribunal, qui a réparé plus que le préjudice subi, a violé le principe de la réparation intégrale ;

3°) ALORS QU’en faisant droit à l’intégralité de la demande de M. [R], sans rechercher, comme il y était invité, si le paiement de la somme de 318,15 € par M. [R], correspondant à une option qu’il n’avait pas souscrite dans sa réservation initiale, avait effectivement été causé par l’annulation de la réservation initiale, de sorte qu’à défaut il ne pouvait être indemnisé, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1231-1 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

La société Autoescape fait grief au jugement attaqué

DE l’AVOIR condamnée au paiement de la somme de 1 000 € à M. [R] à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « la demande de M. [R] est justifiée ; qu’il y a lieu d’y faire droit et de condamner cette société à lui payer la somme de 664 € à titre principal et celle de 1 750 € de dommages et intérêts et frais irrépétibles » ;

1°) ALORS QU’en se bornant à affirmer que la demande de M. [R] est justifiée, le tribunal n’a pas donné à sa décision une réelle motivation, en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Et subsidiairement,

2°) ALORS QU’en condamnant la société Autoescape à verser à M. [R] la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts sans préciser la consistance et la nature du préjudice qu’il entendait ainsi indemniser, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1231-1 du code civil ;

3°) ALORS QUE pour être réparable, le dommage doit être certain ; qu’en ne vérifiant pas, malgré l’invitation qui lui était faite, si le préjudice moral allégué par M. [R] et résultant du seul retard de deux heures pour bénéficier d’une voiture de location présentait un caractère certain, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1231-1 du code civil. ECLI:FR:CCASS:2022:C200592

(Extrait de legifrance.gouv.fr)

Décision à consulter sur https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045905103?init=true&page=1&query=19-21798&searchField=ALL&tab_selection=all&s=09