Rapport : « Médiation et éducation artistique et culturelle en archéologie : état des lieux en Bretagne » par Claire Tardieu, Association Les Landes de Monteneuf, DRAC Bretagne, Ministère de la Culture, août 2022, 49p.


C’est la première fois que nous présentons dans La lettre des Médiations un rapport sur « la médiation culturelle » et ceci dans le but d’illustrer une fois de plus que la médiation est un « mot-valise » qui recoupe de nombreuses réalités et pratiques.  Il en est de même de la « médiation animale », de la « médiation scientifique »… que nous ne recensons pas actuellement dans la veille informative de la Lettre des Médiations. Cette question de la polysémie du mot médiation sera abordée dans un prochain numéro de la Revue des Médiations et nous ne pouvons qu’appeler à une réflexion plus générale sur celle-ci. Nous attendons vos réactions et contributions sur ce que l’on pourrait appeler le débat sur les « frontières » de la médiation et plus largement engager une réflexion sur ce que révèle dans nos sociétés actuelles cette utilisation intensive du concept de médiation dans des champs qui dépassent celui de la gestion des conflits. ( J-P BONAFE-SCHMITT – Lettre des Médiations)

« 1 – La notion de la médiation en archéologie


Plusieurs études et articles ont étudié la médiation en archéologie, son origine, ses objectifs, ses moyens, ses
freins et ses leviers. Nous n’en visons pas ici une synthèse, mais l’identification de ses grandes orientations
et la présentation du potentiel de cette discipline, encore souvent méconnue. La médiation en archéologie
se développe depuis une soixantaine d’années :« la conservation patrimoniale du rapport de nos sociétés à
leur passé, débute dans les années 60. Ses principales caractéristiques (primat de l’expérience, dimension
sensible et émotionnelle, articulation du matériel et de l’immatériel, éthique de la transmission,
démocratisation de l’expertise doivent beaucoup aux avancées de l’archéologie comme discipline et comme
fait social » (Fabre 2014).
« Pour le philosophe, le mot « médiation » signifie « articulation entre deux êtres ou deux termes au sein
d’un processus dialectique (Larousse illustré, 1996). Il s’agit donc de faciliter la mise en place d’une
dynamique de relation et d’échange entre deux parties : pour ce qui nous intéresse, le public et le patrimoine
archéologique, dans le but d’obtenir un changement. La médiation est un processus créateur par lequel on
passe d’une situation initiale à une situation modifiée. Elle permet au public de construire sa propre culture
grâce aux outils d’analyse et de compréhension qu’elle met en œuvre entre lui et le patrimoine » (Maury et
Rieu 1999 « animation ou médiation »).
Le choix de médiatiser l’archéologie permet de poursuivre des objectifs pluriels : la médiation en archéologie
constitue donc un point fort pour la transmission de nos patrimoines par leur compréhension : « Ainsi, le
métier de médiateur en archéologie comporte des enjeux forts : ouvrir le regard sur le phénomène humain
(faits d’hominisation et de cultures, organisation des sociétés du passé…) ; valoriser le patrimoine
archéologique dans ce sens, c’est-à-dire en tant que témoin des activités humaines ; montrer l’importance
de la recherche pour la connaissance et l’enrichissement du patrimoine ; faire prendre conscience de l’intérêt
des découvertes scientifiques et de la sauvegarde du patrimoine pour appréhender le présent et construire
l’avenir » (De Miranda 2010), « Se poser des questions sur les sociétés passées, leur mode de pensée, leur
organisation sociale, leurs savoir-faire » (Giligny 2010) » (Extrait)

Rapport à consulter sur https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Bretagne/Mediation-et-education-artistique-et-culturelle-en-archeologie-etat-des-lieux-en-Bretagne

Médiateur culturel, trait d’union entre rescapés et sauveteurs en Méditerranée


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« Le 23 avril, 537 personnes ont été débarquées dans le port de Trapani, en Sicile, après avoir été sauvées par les équipes de SOS MEDITERRANEE. S’ils s’en sont sortis, c’est en partie grâce au médiateur culturel présent à bord de l’Aquarius. Seraina, une jeune femme de 24 ans, a occupé cette fonction dont on ne parle pas beaucoup, et qui a pourtant une importance capitale dans la réussite des opérations de sauvetage. Elle a choisi de nous décrire ici son rôle et son expérience à bord. 

« Restez calme, n’ayez pas peur. Tout va bien se passer. Nous allons vous amener en sécurité à bord du bateau orange ». Tels sont les premiers mots entendus par les naufragés lorsque les canots de sauvetage de SOS MEDITERRANEE approchent une embarcation en détresse. Ils sont prononcés par le médiateur culturel, un membre de l’équipe de Médecins Sans Frontières (MSF). Véritable interface entre les personnes en détresse et les sauveteurs, son rôle est primordial. Lors de la première approche d’une embarcation en détresse, chaque mot et chaque geste comptent pour éviter qu’un mouvement de foule ne fasse chavirer le canot.

Le médiateur culturel accompagne les rescapés de la première minute du sauvetage jusqu’au débarquement dans un port sûr. Etudiante en sécurité internationale et résolution des conflits, Seraina parle couramment six langues. Elle conçoit son rôle comme « un pont » entre les équipes et les naufragés d’une part, et entre les équipes de MSF et SOS MEDITERRANEE d’autre part.

« La panique est contagieuse ! »

Dès la première rencontre visuelle avec une embarcation en détresse, elle essaie de discerner l’origine géographique et la langue des personnes afin d’établir une relation de confiance le plus rapidement possible. Personne d’autre ne communique avec les naufragés lors de la première approche. « Parfois, je ne sais pas, alors je demande ‘English ? Français ? Arabi ?’  Il faut discerner la langue dominante dès les premières secondes. C’est parfois un mélange de trois langues », raconte Seraina. Dans ce cas, pour ne pas perdre l’attention des personnes qui ne comprennent pas l’une des langues, le médiateur culturel doit faire des phrases très courtes et alterner les langues toutes les 5 secondes.

Seraina cherche d’abord et avant tout le calme avant de parler. Puis, elle se met debout sur le canot de sauvetage près de l’embarcation en détresse et donne le premier message : « nous sommes une organisation humanitaire. Nous allons vous amener à bord de notre bateau. Il y aura assez de place pour tout le monde. Vous êtes sains et saufs. N’ayez pas peur. Restez bien calmes. Nous allons vous donner des instructions. Il faudra bien les suivre pour que tout se passe bien. Nous allons venir vous chercher un par un ». Enfin, elle explique pourquoi et comment enfiler les gilets de sauvetage, prêts à être distribués.

Un message essentiel pour établir un lien de confiance duquel dépend en grande partie le bon déroulé de l’opération de sauvetage et, surtout, pour éviter la panique. « La panique est contagieuse. La situation peut très vite devenir critique, avec des gens qui tombent à l’eau, et qui peuvent se noyer et mourir ».

« J’ai très vite appris l’importance d’être constamment en contact avec les rescapés »

Le médiateur culturel représente l’équipe des marins-sauveteurs : son regard, son comportement, son calme, la lenteur de ses gestes, son sourire reflètent la confiance que les naufragés peuvent placer dans l’équipe. « Les personnes qui nous font face nous observent. Elles ont toutes appris à observer, à interpréter chaque fait et geste. C’est comme ça qu’elles ont survécu jusque-là. Elles voient si on a l’air inquiet, si on ne les regarde pas droit dans les yeux. Il s’est souvent passé des années avant qu’elles aient pu faire confiance à quelqu’un. Hocher de la tête, faire un signe de la main pour dire bonjour : cela fait une très grande différence pour rassurer les gens ».

Et si le contact est perdu ne serait-ce qu’une seconde avec les naufragés ? « Si je regarde vers le bas, les gens s’agitent, commencent à parler entre eux. J’ai très vite appris l’importance d’être constamment en contact avec eux. Leur parler pour les occuper, pour qu’ils évitent de penser à leur situation actuelle qui est très dangereuse ».

Le médiateur culturel doit s’adapter à la variété d’émotions auxquelles il fait face : incertitude, peur, panique, enthousiasme, excitation, joie. « Parfois l’une domine, mais c’est généralement un mélange. Il faut être prêt à tout ». Pour se préparer, Seraina doit « se stabiliser » elle-même, se maintenir dans « un calme d’acier ». « Je me rends compte de la responsabilité énorme qui m’incombe. Dans ces moments-là, si je laissais place à mes émotions, elles nuiraient au succès de l’opération. Il faut attendre que le sauvetage se termine pour les digérer ». Une fois le premier message passé et la situation stabilisée, le médiateur culturel ne communique plus verbalement avec les personnes en détresse. Il passe le relais au coordinateur adjoint des sauvetages qui leur donne les instructions pour débuter l’opération.

« Un petit ange qui s’avance vers nous »

Le médiateur culturel se transforme alors en véritable sauveteur. Grâce aux gestes de premiers secours répétés à bord, Seraina a sauvé plusieurs vies. Elle raconte que lors d’un sauvetage critique, elle a effectué un massage cardiaque à une personne retrouvée sans vie dans l’eau. A son retour à bord de l’Aquarius, alors qu’elle pensait que cela n’avait pas suffi : « l’infirmier s’est avancé vers moi, en me souriant. « Regarde ce monsieur là-bas, c’est celui qu’on a sorti de l’eau ». Je vois un homme par terre avec les yeux ouverts. Je le regarde, il me regarde et il cligne des yeux, comme pour me dire bonjour et merci. Je me suis rendu compte qu’il avait survécu ».

Seraina avoue avoir été touchée plusieurs fois par les mots des rescapés après un sauvetage à bord de l’Aquarius : « vous étiez comme un petit ange qui s’avançait vers nous. On se souviendra toujours de vous », lui a-t-on dit.

Comprendre les parcours, recueillir les témoignages, préparer à « l’après »

Après un sauvetage, le planning du médiateur culturel ne désemplit pas : il recueille des témoignages tout au long du trajet entre la zone de sauvetage et le port de débarquement pour comprendre le parcours des rescapés et les souffrances subies. « C’est le moment le plus difficile. Les témoignages malheureusement se ressemblent tous beaucoup. Parmi les centaines de personnes que j’ai interrogées pendant six mois à bord, une seule m’a dit qu’elle n’avait pas été torturée. J’ai appris plus tard qu’elle ne m’avait en fait pas tout dit ».

Ces informations sont primordiales car elles sont à la base du rôle de témoin que se donnent MSF et SOS MEDITERRANEE. « On espère que la communauté internationale agisse face à ces témoignages. » 

En fin de traversée, réunissant les rescapés en groupe, le médiateur culturel donne le dernier message qui les prépare à l’arrivée, à ce qu’on leur demandera quand ils arriveront sur le quai. Il les informe également des difficultés qui les attendent après la parenthèse de sérénité à bord de l’Aquarius. Ce moment est important : pour la première fois depuis longtemps, les rescapés se projettent sur ce qui les attend.

Après six mois d’une rare intensité, Seraina a dû se résoudre à débarquer. Lorsqu’elle en parle autour d’elle, elle décrit une « indignation qui a grandi avec le temps, contre le manque d’empathie » envers les histoires individuelles, toutes uniques et semblables à la fois, qu’elle a tant de fois écoutées… en français, en anglais ou en arabe. (Propos recueillis par Laura Garel) (Extrait de sosmediterranee.fr du 27/04/2017)

En savoir plus sur http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/mediateur-culturel-trait-d-union-entre-sauveteurs-et-rescapes

Italie : la loi oblige la présence d’un médiateur culturel durant la procédure pour protéger les migrants mineurs isolés


« L’Italie vote une loi pour protéger les migrants mineurs isolés. Une première européenne

C’est la première fois en Europe qu’une telle loi sur la protection des mineurs étrangers non accompagnés est votée. Ils sont près de 26 000 à avoir débarqués seuls en Italie en 2016. (…)

– la loi oblige la présence d’un médiateur culturel durant la procédure (très présents en Italie, les médiateur sont des personnes arrivées en Italie depuis plusieurs années et qui ont suivi une formation. Ces travailleurs sociaux s’adressent directement aux migrants dans leur langue, et connaissent le pays.)

– l’évaluation se fait dans une structure sanitaire désignée par un juge, et par une équipe pluridisciplinaire (dont le médiateur)  » (Extrait de rue89lyon.fr du  5/04/2017)

En savoir plus sur http://www.rue89lyon.fr/2017/04/05/migrants-loi-protection-mineurs-isoles-italie/

Un médiateur de la musique pour apaiser les tensions sur le numérique


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« Denis Berthomier, directeur général du Centre Georges Pompidou, a été nommé médiateur de la musique, un poste nouvellement créé afin de régler les différends entre les acteurs du secteur, a annoncé lundi le ministère de la Culture.

M. Berthomier, conseiller maître à la Cour des comptes et ancien conseiller pour la Culture du Premier ministre Jean-Marc Ayrault (2012-2014), a été nommé pour une durée de trois ans renouvelable, à compter du 1er avril. Il était directeur général du Centre Pompidou depuis 2014. Le poste, dont la création avait été critiquée par les grands producteurs, a été institué par la loi « Liberté de la création, architecture et patrimoine » du 7 juillet 2016.

Le médiateur pourra notamment être saisi par les producteurs, éditeurs ou artistes de toute question ou litige relatif à la mise en œuvre du protocole d’accord pour un développement équitable de la musique en ligne signé le 2 octobre 2015.

La Guilde des artistes de la musique (GAM) a salué la nomination de M. Berthomier, tout en s’étonnant que « la fonction n’ait pu être occupée par une femme, comme il en était question initialement ». « Nous ne doutons pas qu’il saura se montrer à la hauteur des enjeux auxquels font face aujourd’hui les artistes, les producteurs phonographiques et les plateformes de streaming », écrit-elle dans un communiqué. » (Extrait de culturebox.francetvinfo.fr du 4/04/2017)

Qu’est-ce que la «médiation culturelle» ?


« Chacun d’entre nous a rencontré des médiateurs culturels. Ils portent parfois des tee-shirts ciglés « médiateur », « médiateur culturel », « médiateur du festival », etc. au cœur des institutions contemporaines. Ils sont voués à parler des œuvres, des artistes, des expositions ou des scènes culturelles dès lors que ces « objets » sont mis à la disposition d’un public ou présentés sous un nouveau jour. Mais se rend-on assez attentif aux composantes de ce métier ? S’est-on donné la peine d’en parcourir les plus économiques (salaires, contrats de travail, types d’emploi, précarité, …) et les plus valorisées (la relation aux œuvres et aux publics) en passant par ce qu’on a longtemps ignoré : la connaissance des publics par les médiateurs, leur saisie des compétences culturelles déployées par les spectateurs que, trop souvent encore, beaucoup méprisent (dans les pires des commentaires, ils seraient « incultes », ne « sauraient rien », « s’amuseraient », seraient « bêtes » …).

Ce sont justement ces multiples composantes qui font l’objet de l’enquête de Bruno Nassim Aboudrar et François Mairesse. Ces derniers sont des spécialistes universitaires de la question, et non des membres des associations de médiateurs constituées récemment aux fins de défendre la profession. Ils ont déjà présidé à des recherches sur elle. Pour composer ce livre, ils ne retiennent, cependant, que les domaines du spectacle vivant, du patrimoine, du cinéma, de l’audiovisuel, de la musique enregistrée et du livre. À juste titre, ils signalent l’existence d’autres médiations dont ils ne parlent pas afin de ne pas brouiller les pistes : les médiations scientifiques, les médiations techniques, les médiations sociales, psychologiques, etc. Ce choix est assumé avec d’autant plus de légitimité que les deux auteurs sont, l’un, professeur d’esthétique, et l’autre, professeur de muséologie. » (Extrait de nonfiction.fr du 25/10/2016)

En savoir plus sur http://www.nonfiction.fr/article-8564-quest_ce_que_la_mediation_culturelle_.htm