« Johan Galtung : un grand artisan de la paix s’en va » par Gianmarco Pisa (pressenza.com)


« Avec la disparition de Johan Galtung (24 octobre 1930 – 17 février 2024), c’est toute la communauté des hommes et des femmes épris de paix et de « paix avec justice », et en son sein la communauté des artisans et des praticiens de la paix sous toutes les latitudes, qui se retrouve plus seule. Disparue, une figure essentielle, séminale, une figure indispensable pour la manière dont on regarde (et interprète) les conflits, qu’ils soient micro, méso, macro, voire méga, comme il aimait parfois les appeler, et dont on intervient dans (et transforme) les conflits, nourrissant, sur le chemin de recherche et d’action qu’il a tracé, l’espoir d’une « transcendance ».

Né à Oslo en 1930, docteur en mathématiques (1956) et en sociologie (1957), il a été professeur de sciences de la paix et expert en médiation et résolution de conflits. Il est le créateur de la méthode Transcend pour transcender les conflits et le fondateur du réseau Transcend pour la paix, le développement et l’environnement, ainsi que, auparavant, de l’Institut international de recherche sur la paix d’Oslo (1959) et du Journal of Peace Research (1964). Il a enseigné dans de nombreuses universités à travers le monde, notamment à Oslo, Berlin, Paris, Santiago du Chili, Buenos Aires, ainsi qu’à Princeton, Hawaï et Alicante. Il a été professeur honoraire à la Freie Universität Berlin (1984-1993), professeur distingué d’études sur la paix à l’université d’Hawaï depuis 1993 et professeur invité distingué à l’université John Perkins depuis 2005.

Il s’est impliqué à la fois dans la recherche, la médiation et la résolution de conflits. Il s’est occupé de plus de 150 conflits, tant internationaux que sociaux. Il est l’auteur de 96 livres et de plus de 1700 articles et chapitres. Parmi ses diverses récompenses, il a reçu le « Right Livelihood Award » [NdT: ce prix récompense ceux qui ont trouvé des solutions pratiques et exemplaires aux  problèmes les plus urgents] en 1987, le prix Nobel alternatif de la paix, et, plus récemment, un diplôme honorifique en sciences politiques de l’Université Complutense de Madrid (2017). D’autre part, sa présence en Italie a été également très importante : inoubliable a été la lectio magistralis [leçon importante] qu’il a donnée lors de la conférence du Centre d’études SOUQ, le 13 décembre 2013, dans l’Aula magna de l’Université de Milan ; Non moins inoubliable a été sa lectio magistralis (« Nécessité et importance d’un Centre pour la prévention des conflits armés ») à la conférence nationale sur « La prévention des conflits armés et la formation des corps civils de paix », tenue à Vicence du 3 au 5 juin 2011, qui a représenté une contribution décisive pour relancer la voie de la construction de corps civils de paix et réaffirmer l’importance cruciale de la formation de leurs praticiens. Il s’agissait en même temps d’une véritable rencontre entre la paix et la citoyenneté.  » (Extrait de pressenza.com du 20/02/2024)

En savoir plus sur https://www.pressenza.com/fr/2024/02/johan-galtung-un-grand-artisan-de-la-paix-sen-va/

Communiqué du RME (Réseau des Médiateurs en Entreprises) à propos de la mort de Robert Badinter


« Comme tous les médiateurs, le RME doit beaucoup à Robert Badinter qui vient de nous quitter.
Sa vision humaniste de la justice l’avait conduit en 1984 à introduire la médiation dans le cadre pénal.
Non pour des raisons d’optimisation budgétaires ou de raccourcissement des délais, mais dans l’espoir d’aider les personnes à se reconstruire et à restaurer les relations, fondements de leur humanité.
Son exemple a indiscutablement encouragé les Gardes du Sceaux ultérieurs à favoriser le développement des Modes Alternatifs de Règlement des Différends.
Le RME et sa pratique de la médiation dans les entreprises (et dans les organisations) s’inscrit dans cet esprit : aider à restaurer le respect des personnes pour faire communauté de travail. »

(Extrait de https://www.linkedin.com/posts/rme-reseau-des-mediateurs-en-entreprises_comme-tous-les-m%C3%A9diateurs-le-rme-doit-beaucoup-activity-7162420734303154176-rnyi/?utm_source=share&utm_medium=member_android

Une voix de la médiation s’est éteinte : Jacqueline Morineau nous a quittés dans la nuit du 14 au 15 juillet 2023


Jacqueline Morineau fut une compagne de route dans cette aventure de la médiation depuis la fin des années quatre-vingt et à titre d’hommage je reproduis le portrait que j’avais fait d’elle dans le numéro 9 de la Lettre des MédiationsJP Bonafé-Schmitt

JACQUELINE MORINEAU
LA PRETRESSE DE LAMEDIATION HUMANISTE

Dans cette galerie de portraits des pionniers de la médiation francophone que nous avons publiés
depuis le premier numéro de la Lettre des Médiations, Jacqueline Morineau, tient une place particulière (1). En effet, elle a été un des premiers acteurs de la médiation en France, notamment dans le domaine pénal avec la mise en place du premier dispositif de médiation pénale à Paris avec la création de SOS Agressions Conflits en 1984. Faire son portrait, c’est aussi retracer l’histoire de la médiation en France, de ses origines, de sa diversité… car Jacqueline Morineau a marqué de son empreinte, non seulement le mouvement de la médiation en France, mais aussi à l’étranger avec sa théorisation au fil des années de ce qu’elle a dénommé la médiation humaniste (2)
.
D’une manière plus personnelle, faire son portrait, c’est aussi me replonger dans une histoire commune, car je connais Jacqueline Morineau, depuis la fin des années quatre-vingt. En fait, de connaissance, c’est d’abord sa voix que j’ai entendue lors d’une émission de radio, sur France Inter oùelle relatait les premiers pas de SOS Agressions Conflits. J’ai très vite rencontré Jacqueline Morineau lors d’un de mes déplacements à Paris pour nous informer mutuellement sur nos expériences, car je venais juste de fonder, à partir des Boutiques de droit, une association de médiation de quartier qui allait devenir, en 1986, l’association AMELY (Association Médiation Lyon). Depuis cette date, j’ai gardé un lien avec Jacqueline Morineau et, ce qui explique que ce portrait soit empreint d’une forte subjectivité et sympathie à l’égard de Jacqueline Morineau et de son action en matière de médiation ; Et ceci même, si je ne partage pas toujours la vision spirituelle et même religieuse qu’elle a de la médiation.
Cela dit, il convient de rappeler qu’à l’époque de notre rencontre, c’est-à-dire la fin des années
quatre-vingt, c’était la préhistoire de la médiation, et Jacqueline Morineau avec SOS Agressions
Conflits, fut une des pionnières de la médiation au même titre que les Boutiques de Droit à Lyon,
ACCORD à Strasbourg, l’ARESCJ à Bordeaux, AIV à Grenoble….

De la révélation…à l’action.
Pourtant si l’on se réfère à son parcours de vie, rien ne prédestinait Jacqueline Morineau à être une des pionnières de la médiation car à la suite d’études en archéologie, elle s’est spécialisée dans la numismatique grecque et a été chercheur au British Museum à Londres. Si c’est par le plus grand
des hasards, comme elle le dit si bien, qu’elle est venue à la médiation, elle le doit surtout à une
rencontre, celle avec Jacques Vérin, un magistrat qui occupait la fonction de directeur du service de la
recherche du ministère de la justice. C’est à la demande de Robert Badinter, qui était devenu le ministre de la Justice sous la présidence de François Mitterrand après son arrivée au pouvoir, en 1981, que Jacques Vérin fut envoyé aux Etats-Unis pour un voyage d‘étude dans la perspective de proposer des réformes pour « humaniser » la justice en France. Il s’agissait, à l’époque, de répondre à la fois aux aspirations des victimes en leur assurant une plus grande place dans le processus pénal et une meilleure indemnisation mais aussi de prévenir la récidive en favorisant la réinsertion des infracteurs. Cette nouvelle politique se concrétisa par la création en 1982 d’un bureau de protection des victimes et de prévention au sein du ministère de la Justice.
Si Jacques Vérin fut surtout connu comme un ardent défenseur d’une « politique criminelle humaniste », on ignore souvent qu’il a été un des pères spirituels de la médiation pénale comme en témoigne son article paru, en 1983, dans la revue de sciences criminelles et de droit comparé et intitulé « La médiation à San Francisco, New-York et Kitchener (Ontario) ». Cet article relate ce qu’il a pu observer lors de son voyage d’étude aux Etats-Unis et l’on retrouve les fondements qui donneront naissance à la première expérience parisienne de médiation pénale. Il rappelle que c’est à Kitchener, dans l’Ontario au Canada, que fut mis en place dès 1975, sous l’impulsion de l’Eglise mennonite, le premier programme de réconciliation entre victime et délinquant dénommé V.O.R.P. (Victim Offender Reconciliation Program). Dans ce même article, il relate le projet des Community Boards à San Francisco, mis en œuvre, en 1976 et dont la spécificité reposait sur la formation de bénévoles à la gestion des conflits. En retenant cette expérience et en participant lui-même à une séance de formation, Jacques Vérin a démontré qu’il était un véritable visionnaire, car quelques années plus tard San Francisco allait devenir « La Mecque » de la médiation en devenant la référence incontournable pour la plupart des pionniers de la médiation dans le monde entier. De son côté, Jacqueline Morineau a fait une courte formation à la médiation au sein des Community Boards, car elle a rapidement réalisé que les sources dans lesquelles elle pourrait puiser pour réaliser ses médiations, relevaient plus de son expérience de la tragédie grecque, comme elle l’a exposé dans son premier ouvrage, l’ « Esprit de médiation » (5)
.
C’est à la suite de cette phase de réflexion au cours de l’année 1983 que le Garde des Sceaux, Robert Badinter, lança le premier projet de médiation pénale en France. Cette expérience fut pilotée par l’association SOS agression Conflits que Jacqueline Morineau fut chargé de créer en début d’année 1984 avec pour mission de réaliser des médiations pénales à partir d’affaires renvoyées par le Parquet de Paris. Il est intéressant de souligner que l’expérience commença avec des cas de violence venant de ma 7ème section du Parquet. Jacqueline Morineau a été la fondatrice de cette association qui allait donner naissance quelques années plus tard au CMFM (Centre de Médiation et de Formation à la Médiation). Mais pour bien comprendre cet investissement, pour ne pas dire cet engagement, de Jacqueline Morineau dans cette aventure de la médiation pénale, il convient de faire un retour sur son passé londonien.


Du pénal au scolaire : les prémisses de la médiation humaniste.
Lors de son séjour à Londres, Jacqueline Morineau, en parallèle à son activité professionnelle, s’est beaucoup impliquée dans un foyer d’accueil pour accompagner des jeunes en difficulté ou encore aider des sortants de prison pour se réinsérer dans la société. C’est au cours de ces activités qu’elle s’est rendu compte qu’elle avait une « relation naturelle », des « prédispositions à comprendre, à aider les autres » et ce sont ces expériences accumulées qui l’ont beaucoup aidée à construire sa manière de conduire un processus de médiation en matière pénale (6). En effet, comme beaucoup de pionniers de la médiation, Jacqueline Morineau, a été amenée à faire des médiations sans avoir été formée et elle a appris à faire une médiation en la pratiquant ce qui lui a permis de construire son propre modèle de médiation sur la base, notamment, d’un trinôme de médiateurs. A l’époque, ce modèle avait suscité de nombreuses interrogations pour ne pas dire critiques tout comme sa référence à l’Antiquité pour décrire le déroulement du processus de médiation. Et comme me l’a souligné « je n’ai jamais vécu de problèmes ou critiques de la part de la Justice qui était très satisfaite de notre travail ; ces critiques ont pu venir de la part d’autres médiateurs et dans ce cas étaient irrelevantes »
Si les débuts de SOS Agressions Conflits furent prometteurs, très vite, le contrôle de cettstructure et de la médiation fit l’objet d’une confrontation entre Jacqueline Morineau et un autre pionnier, pour ne pas dire père de la médiation, je veux parler de Jean-François Six. Ce dernier est prêtre et le fondateur de l’association Droits de l’Homme Solidarités et un auteur prolifique d’ouvrages religieux. Sa facilité d’écriture l’a amené à écrire, en 1990 un des premiers ouvrage sur la médiation,au titre prémonitoire, : «Le temps des médiateurs » (8). Dès le début de l’activité SOS Agressions Conflits, il relata rapidement l’intérêt de cette expérience de médiation pénale dans une des revues qu’il a créées (9) . Ce dernier, tout en n’ayant eu aucun rôle, selon Jacqueline Morineau, au sein de SOS Agressions Conflits proposa une fusion avec son association Droits de l’Homme Solidarités. Mais cette fusion fut refusée par les membres de SOS Agressions Conflits. Et à l’image des tragédies grecques, une situation d’opposition se créa entre Jacqueline Morineau Jean-François Six et provoqua la fin de SOS Agressions Conflits. L’association fut remplacée par la création du CMFM à l’initiative de Jacqueline Morineau et J.F SIX créa LE Centre National de la Médiation.
Si Jacqueline Morineau a été une des pionnières de la médiation pénale, elle a aussi joué un rôle de premier plan en matière de médiation scolaire, car dès le début des années quatre-vingt-dix, elle a
mis en place un programme de médiation dans un collège, un lycée et un LEP à Villeneuve-laGarenne puis à Gennevilliers dans la région parisienne. Un projet similaire échoua dans un lycée à Bayonne en raison de l’opposition des syndicats. Malgré ces difficultés, Jacqueline Morineau a persévéré dans son action en direction du monde scolaire en développant des projets de médiation par les pairs, non seulement en France, mais aussi à l’étranger. C’est notamment le cas, en 1994 quand elle proposa un programme d’éducation à la paix pour les jeunes adultes (18 à 30 ans) par la mediation au Conseil de l’Europe. ce programme perdura plusieurs années, notamment lors du conflit entre la Serbie et Kosovo où elle a organisé des rencontres entre jeunes Kosovars et Serbes.
C’est à partir de cette expérience accumulée sur le terrain que Jacqueline Morineau a théorisé sa pratique à travers l’écriture dans son premier ouvrage, au titre évocateur « l’esprit de médiation ». Comme son titre l’évoque, elle a voulu, à travers cet ouvrage, insuffler une certaine vision de la médiation et démontrer qu’elle n’était pas une simple technicienne de la médiation donnant des « recettes » pour réussir une bonne médiation, mais qu’elle voulait montrer « comment la médiation peut aider à transformer notre société »

Il est vrai que l’on retrouve en filigrane, dans cet ouvrage,les fondements de ce qui allait devenir un peu plus tard la médiation humaniste. C’est cette vision de la médiation et son action à travers le CMFM qui vont amener un certain nombre de centres de médiation, mais aussi d’universités en France comme à l’étranger, de la solliciter pour des formations et des conférences qui lui permettront de diffuser son modèle de médiation. Elle a enseigné de nombreuses années à l’université « la Bicocca » à Milan.


La médiation humaniste : dimension spirituelle de la médiation ?
Comme nous venons de le voir, Jacqueline Morineau n’est pas seulement une praticienne de la médiation, mais c’est surtout une visionnaire de la médiation. J’ai choisi à dessein le qualificatif de
visionnaire et non celui de théoricienne d’un modèle de médiation, car elle a toujours su insuffler à travers ses formations, ses conférences ou écrits, une vision singulière pour ne pas dire quasi religieuse de la médiation comme en témoigne le titre de son second ouvrage « le médiateur de
l’âme » (11)

C’est dans ce dernier ouvrage que Jacqueline Morineau retrace le cheminement qui l’a amenée à définir ce qu’elle a appelé la médiation humaniste. Pour elle, la médiation a pour objet « d’accueillir la souffrance pour qu’elle se transcende et ouvre la voie à un nouvel équilibre, à une harmonie vécue avec soi-même et les autres et pourquoi pas à une forme de bonheur » (12). Lors de notre entretien, elle m’a rappelé cette vision spirituelle qui puise sa source, selon ses propos, dans « la recherche philosophique de sagesse des anciens reposant sur la conception ternaire de l’homme : corps, âme et esprit » (13)

Dans un écrit plus récent, Jacqueline Morineau, confie que « je suis une convertie, et cela je l’ai découvert bien après avoir commencé à pratiquer la médiation » (14). C’est en effet, tardivement à 65 ans qu’elle à vécu une « conversion christique » et qu’elle a fait le lien avec « la dimension christique de la et qu’elle a fait le lien avec « la dimension christique de la médiation » et elle a été même étonnée de découvrir dans les évangiles combien la pédagogie du Christ était proche de la pédagogie de la médiation : « il donne la parole, il ne juge pas. Il ouvre la personne à découvrir une nouvelle connaissance d’elle-même, il la met sur un chemin. C’est cela la médiation» (15).


En dehors de Jacqueline Morineau, j’ai souvent été étonné par la connotation très religieuse de la terminologie utilisée par bon nombre de médiateurs. C’est le cas par exemple de l’expression « on
entre en médiation » pour signifier le début d’un processus de médiation comme si l’on entrait au
couvent. Il en est de même de ceux qui « croient en la médiation » comme si la médiation relevait
d’une croyance.
C’est en raison de sa quête existentielle permanente que Jacqueline Morineau a toujours tenu une
place particulière dans le monde de la médiation ou elle a aussi bien ses partisans, que ses
détracteurs qui voient en elle la « catho de la médiation » (16).

Il est vrai que la médiation a ses gardiens du temple et que toute déviance les amène, comme au temps de l’Inquisition, à brûler au nom des grands principes de la médiation, ces hérétiques. En effet, Jacqueline Morineau, s’est toujours tenue à distance des préoccupations de ceux qui veulent faire de la médiation, une nouvelle profession ou un nouveau mode de contrôle social, elle a toujours considéré que la médiation est porteuse de sens et peut contribuer à une transformation de la personne et des rapports sociaux. Selon elle, la médiation a été transformative dès son origine et bien avant que les américains en parlent.
Son discours, son prêche diront certains, n’est pas resté isolé, car elle a réussi au fil des années à
fédérer autour de sa conception de la médiation, un certain nombre de « fidèles » que ce soit au sein
du CMFM ou à l’extérieur notamment lors de ses stages de formation en France ou à l’étranger.
Cette vision partagée de la médiation à donner lieu à la création d’un collectif regroupé au sein du
Centre de Recherche sur la Médiation Humaniste qui s’est constitué sur la base des travaux d’un
colloque tenu en avril 2011 au Centre Sèvres dans la région parisienne. Ce collectif est à l’initiative de
la publication d’un véritable manifeste intitulé : « La médiation humaniste, pour ‘faire société’ dans la
prise en charge des différends » (17).

Dans ce document, les auteurs soulignent que « la médiation humaniste s’inscrit dans les prémices trans-modernes de la transformation sociétale en cours. Réintroduisant le sens d’une solidarité existentielle, fondée plus sur le partage que sur l’échange, elle se présente comme un outil d’éducation à la paix, pédagogique et civilisateur, pour un humanisme de notre temps » (18). Ce collectif composé aussi bien de médiateurs que de chercheurs de France ou d’Italie tend à démontrer qu’il existe au moins en France et en Italie, un courant qui se retrouve autour de cette notion de médiation humaniste et qui se différencie de son homonyme américain animé par Marc Umbreit qui est le fondateur du Center for Restorative Justice & Peacemaking de l’Université du Minnesota (19).
.
Tout cela tend à démontrer que Jacqueline Morineau n’est pas seulement une pionnière de la
médiation mais une véritable « figure » de la médiation et qu’au-delà de sa propre personne il convient
d’apporter une attention particulière au courant de pensée qu’elle a initiée : la médiation humaniste.

Jean-Pierre BONAFE-SCHMITT

Notes

1 Cf aussi le portrait de Jacqueline Morineau paru dans de numéro 3 d’Intermédiés de mars 2018
2 Morineau Jacqueline. La médiation humaniste, érès, 2016

3 Entretien avec Jacqueline Morineau du 19/12/2018
4 Vérin Jacques, « La médiation à San Francisco, à New York et à Kitchener (Ontario) », Revue de sciences criminelles et
de droit comparé, 1983
5 Morineau J. L’esprit de médiation, érès, 1998
6 Entretien avec Jacqueline Morineau du 19/12/2018

7 Entretien avec Jacqueline Morineau du 19/12/2018
8 Six Jean-François, Le temps des médiateurs, Seuil, 1990
9 Six Jean-François, Revue – Brèche cahier spécial n°40-42 : conflits, victimes, médiation, 01/01/1986
10 Morineau J. L’esprit de médiation, op. cit.
11 Morineau J. Le médiateur de l’âme. Le combat d’une vie pour trouver la paix intérieure, Nouvelle Cité, 2008
12 Ibdem
13 Entretien avec Jacqueline Morineau du 19/12/2018

14 Morineau Jacqueline. L’esprit de la médiation : un chemin d’humanisation réciproque dans le partage de nos valeurs
communes, Connaître, n°42 juillet 2015 ; Entretien avec Jacqueline Morineau. La Médiation Humaniste ,
https://www.youtube.com/watch?v=3VR51e_yThk
15 ibidem
16 Entretien avec Jacqueline Morineau du 19/12/2018
17 Delcourt Marie-Odile, Dupleix André, Escalettes Guy, Giasanti Alberto, Le Roy Etienne, et al.. La médiation humaniste,
pour ‘faire société’ dans la prise en charge des différends. 2015. ffhal-01171504f, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01171504
18 ibidem
19Umbreit Mark, Lewis Ted, What Is A Humanistic Approach to Mediation? An OverviewCenter for Restorative Justice and
Peacemaking, 2015

Portrait à lire sur https://www.observatoiredesmediations.org/Asset/Source/refBibliography_ID-128_No-01.pdf


Liban : Walid Slaïby, défenseur du droit à la vie et de la non-violence s’en est allé, vaincu par la maladie (lorientlejour.com)


(J’ai eu la chance de connaître Walid Slaïby et Ogarit Younan lors d’un séjour au Liban, à leur invitation, pour donner une formation à la médiation dans le cadre de leur Académie universitaire pour la non-violence et les droits humains (Aunohr). J’ai eu l’occasion d‘échanger avec lui sur la situation au Liban et c’était un fervent défenseur de la médiation, de la non-violence pour régler les conflits, non seulement dans son pays, mais aussi dans le monde. Walid Slaïby est parti trop tôt, mais il nous laisse un immense héritage et je suis certain que sa compagne Ogarit Younan saura le développer en continuant son action en faveur de la médiation et de la non-violence au sein d’Aunhor.  – Jean-Pierre Bonafé-SchmittLa Lettre des Médiations)

« Avec sa compagne de vie et de militantisme, la sociologue Ogarit Younan, le disparu aura initié une avancée palpable pour le Liban : le moratoire sur la peine de mort qui aura bientôt 20 ans.

Il était de ces adeptes de la non-violence qui ont rendu meilleure la société libanaise et le monde arabe. Une pensée qu’il a développée durant la guerre civile, au même titre que la laïcité, en réaction aux conséquences destructrices du conflit intercommunautaire libanais sur le tissu social. Walid Slaïby n’est plus. Il s’est éteint mercredi dernier à l’âge de 68 ans, vaincu par un cancer qui le rongeait depuis plus de 20 ans. Son nom, indissociable de celui de sa compagne de vie et de lutte, la sociologue Ogarit Younan, restera à jamais lié au militantisme pour le droit à la vie dans le cadre de la lutte pour l’abolition de la peine de mort. Les droits civils seront aussi au cœur de son combat pour une loi libanaise sur le statut personnel. Au même titre que les droits des travailleurs et la justice sociale, dès le début des années quatre-vingt, alors que la livre libanaise amorçait un premier effondrement.

Un immense héritage
De son engagement au service du Liban, il laissera un immense héritage. Une multitude de livres, de publications, de traductions, de propositions de loi, d’associations, de progrès tangibles sur le terrain, toujours avec Ogarit Younan. Avec en couronnement l’édification en 2015 de l’Académie universitaire pour la non-violence et les droits humains (Aunohr), une institution éducative dédiée à la non-violence qui continue de former des générations d’étudiants, de militants, de syndicalistes prêts à prendre la relève. Ce parcours verra le duo plusieurs fois récompensé, notamment par le Prix des droits de l’homme de la République française 2005, le Prix de la Fondation Chirac en 2019 et le prix Gandhi pour la paix décerné en 2022 par la fondation indienne Jamnalal Bajaj, du nom du disciple du Mahatma Gandhi. » – Anne-Marie El-HAGE -(Extrait lorientlejour.com du 8/05/2023)

A lire sur https://www.lorientlejour.com/article/1336787/walid-slaiby-defenseur-du-droit-a-la-vie-et-de-la-non-violence-sen-est-alle-vaincu-par-la-maladie.html

Webinaire (rediffusion) : « 40 ans d’étonnement dans la Médiation en évolution & parfois en débats » avec M. Jacques SALZER animé par Mme Catherine EMMANUEL et organisé par le CEMA (14/01/ 2023)


Webinaire à revoir sur https://www.youtube.com/watch?v=Tqia0ZYKHKc

« Regard sur la médiation : Claude Evin, avocat et médiateur » Entretien avec Claude Evin par Hermes-Mediation.fr


« Claude Évin est connu pour sa carrière politique et reconnu pour ses engagements. Il a été député de Loire-Atlantique pendant plus d’une vingtaine d’années. Ministre de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale de 1988 à 1991, il est aussi l’instigateur de la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi Évin. Il a présidé la Fédération hospitalière de France de 2004 à 2009, puis a été nommé préfigurateur de l’Agence régionale de santé Ile-de-France dont il a ensuite été le directeur général de 2010 à 2015. Claude Évin est aujourd’hui avocat et médiateur.

Claude Évin, comment êtes-vous venu à la médiation ?
Après avoir assumé les diverses responsabilités que vous connaissez et pour préparer ma sortie de l’Assemblée nationale, je suis devenu avocat. Quand j’ai eu quitté l’Agence régionale de santé Ile-de-France, en 2015, j’ai exercé en qualité d’avocat, au sein d’un cabinet et, là, j’ai été sollicité par des établissements pour conduire des médiations entre professionnels. J’avais eu une sollicitation aussi pour intervenir dans un contexte un peu particulier, en Nouvelle-Calédonie, entre une clinique, le propriétaire de l’immeuble dans lequel devait entrer la clinique et le gouvernement territoriale de Nouvelle-Calédonie, sur les conditions de financement de l’entrée de la clinique dans ces nouveaux bâtiments. J’avais été amené à faire de la médiation sans être formé. Début 2020, j’ai préparé un diplôme universitaire de médiateur à l’IFOMENE, l’Institut de formation à la médiation et à la négociation. Voilà comment j’y suis venu. J’ai trouvé réellement que la démarche, aussi bien dans les relations avec les usagers dans les établissements de santé ou les établissements médico-sociaux, que dans le traitement des conflits entre les professionnels du secteur de la santé et du médico-social, justifiait qu’il y ait cette recherche de solution amiable plutôt que d’aller au contentieux. Aujourd’hui, il s’avère que je suis sollicité par des établissements de santé, mais aussi par des juridictions administratives ou judiciaires car je suis inscrit auprès de cours d’appel. Pour le moment, j’ai moins de sollicitations du côté des juridictions judiciaires que du côté des juridictions administratives pour conduire des médiations, et pas uniquement dans le secteur de la santé.

Les personnes qui ont suivi une formation de médiateur disent qu’elles en sont sorties transformées. Cet enseignement a pour réputation de remettre en question des comportements, des approches relationnelles et managériales. Est-ce que cela a été votre cas et, si oui, sur quels traits de votre personnalité ?
Pour vous répondre franchement, ça m’a beaucoup ouvert à l’écoute, parce que l’une des premières qualités que doit avoir le médiateur est l’attention portée aux parties et à ce qu’elles expriment. Cela m’a beaucoup remué d’une certaine manière, et cela m’a amené à être vraisemblablement plus attentif, y compris dans ma vie personnelle, dans ma vie privée, dans mes différentes activités, à écouter, à essayer de bien mesurer comment l’expression que je reçois est empreinte d’émotion, de complexité, etc. Cela m’a d’ailleurs amené à compléter mon parcours car je suis en train de me former à l’analyse systémique pour pouvoir être plus ouvert, plus sensible encore à la complexité des situations. La qualité du médiateur est de percevoir la complexité de ce qui s’exprime.

Avec le parcours politique et professionnel que vous avez eu, vous arrive-t-il de regretter de ne pas l’avoir fait plus tôt, en vous disant que les bénéfices de cette formation vous auraient été utiles dans bien des circonstances ?
Oui, certainement. Je ne regrette jamais ce que je n’ai pas fait. J’ai saisi l’opportunité, là, et j’essaie d’en tirer le maximum d’intérêt, d’intérêt pour les causes pour lesquelles je peux être amené à intervenir. Mais c’est vrai, vous avez raison, je pense que la formation à la médiation impacte notre mode de fonctionnement personnel.

Est-ce facile de faire de la médiation quand on a été ministre de la Santé ?
Pour moi, ce n’est pas compliqué. C’est parfois plutôt les interlocuteurs qui projettent une image liée à mes anciennes fonctions et qui ne m’identifient peut-être pas comme médiateur. Ils pourraient avoir une appréhension éventuellement, je ne sais pas. Ceci étant, lors des médiations que j’ai eu l’occasion de conduire, je n’ai pas eu le sentiment que cela posait un problème.

Y a-t-il eu des situations qui vous ont conduit à décliner votre intervention compte tenu des fonctions politiques que vous avez occupées ou par conflit d’intérêt ?
Je n’ai pas été confronté à cette situation. La situation qui pourrait se présenter, comme j’ai une activité d’avocat et une activité de médiateur, serait celle qui m’inviterait à conduire une médiation avec une partie dont j’aurais été l’avocat. Dans ce cas, évidemment, je déclinerais.

Combien avez-vous fait de médiation depuis que vous êtes diplômé ?
J’en ai fait une petite dizaine. » (Extrait de hermes-mediation.fr du 11/01/2023)

En savoir plus sur http://hermes-mediation.fr/2023/01/11/regard-sur-la-mediation-claude-evin-avocat-et-mediateur/

« Les quartiers d’automne du Réseau des Médiateurs en Entreprise » par Nathalie MAUVIEUX, présidente du RME


Je profite de cet article pour rappeler que le RME a été créé par Yves Chamussy à Lyon, décédé il y a quelques années, et qui fut un des pionniers de la médiation avec notamment la création du Réseau de Médiateurs Associés qui a fusionné par la suite avec l’ANM, et aussi l’initiateur d’un des premiers codes de déontologie des médiateurs (JPBS-LDM)

« Les médiateurs du RME – le réseau des médiateurs en Entreprise – se sont réunis fin novembre pour leur séminaire annuel. Ils ont pris cette année leurs quartiers d’automne dans les Yvelines, et, depuis toute la France, près de la moitié des membres du réseau ont convergé pour des moments riches d’échange, de partage et de convivialité.

Ce collectif de médiateurs est né dans les années 90, dans les régions Rhône-Alpes puis Ile de France, premiers berceaux territoriaux du RME et qui concentraient à l’époque l’essentiel de ses membres. Au fil des ans, le RME se développe et densifie son champ d’attraction, de moins de 10 membres à ses débuts, à plus de 100 aujourd’hui, implantés sur tout le territoire. Une vitalité dont les « anciens » membres du réseau, qui ont contribué à écrire son histoire, peuvent aujourd’hui témoigner.

Spécialisés dans la médiation en organisations au sens large, les médiateurs du RME interviennent aussi bien dans le monde de l’entreprise, TPE, PME, Grands Groupes, que des collectivités territoriales, administrations, associations,… bref dans tous les groupes humains pris dans des difficultés relationnelles au travail, pour lesquelles nos membres sont spécialement outillés. » (Extrait de syme.eu du 16/12/2022)

En savoir plus sur https://www.syme.eu/articles/110353-les-quartiers-dautomne-du-reseau-des-mediateurs-en-entreprise

« Le Tribunal Judiciaire de Toulouse à la pointe de la Médiation » par Françoise Housty, Présidente du Centre méridional des médiateurs DACCORD-MEDIATION



« Le 22 juillet dernier, Monsieur Xavier PAVAGEAU Président du Tribunal Judiciaire de Toulouse, Madame la
vice-présidente Sophie MOLLAT, Madame Adriana BOTTASSO chargée de mission justice de proximité, le
CDAD du Tribunal de Toulouse représenté par Monsieur PAGES adjoint de la secrétaire générale, le Centre
méridional des médiateurs DACCORD-MEDIATION, l’association Espace Médiation et Idées , le Centre de
médiation du barreau de Toulouse, l’association Médiateurs ad hoc, signaient une convention relative à
l’expérimentation de permanence de médiation civile Tribunal Judiciaire de Toulouse.
Le projet porté et orchestré par Madame Sophie MOLLAT installe un format inédit au sein d’un Tribunal
Judiciaire. Fruit d’une réflexion et d’une collaboration constructive, la convention met ainsi en exergue
l’efficacité d’une « équipe de justice » dans laquelle magistrats, avocats et médiateurs ont un rôle essentiel à
jouer au profit de la médiation judiciaire et du justiciable.
La pratique toulousaine est d’autant plus remarquable que le CDAD acteur majeur de cette convention,
s’implique pleinement dans cette expérimentation en budgétisant un défraiement des permanences au profit
desdites associations.
Sont ainsi ouvertes à compter du mois de septembre 2021 deux permanences hebdomadaires destinées à recevoir
les contentieux des référés, de la liquidation patrimoniale et une grande partie du contentieux des affaires civiles.
Fondée sur l’art 22-1 de la loi du 8 février 1995 modifié par la loi n°2019-2022 du 23 mars 2019, autorisant le
juge à enjoindre les parties à s’informer sur l’objet et le déroulement de la médiation, la convention organise et
modélise le déroulement des permanences d’information sur la médiation.
Sa grande originalité est d’avoir posé les bases d’un processus commun aux associations qui se décline en
l’utilisation de documents établis conjointement (Contrat d’engagement en médiation et contrat de financement)
et d’un protocole propre aux permanences.

Quand les volontés de bonnes pratiques se rencontrent, le résultat concret est à la hauteur des efforts pour le
développement de la médiation !
Il nous importe de remercier particulièrement Madame Sophie MOLLAT architecte dynamique et volontaire
qui a su fédérer les énergies et s’inscrire dans la tradition portée par la Cour d’appel de Toulouse pour favoriser
l’installation pérenne de la médiation judiciaire. Pollinisation initiée par Gilbert COUSTEAUX ancien
conseiller et perpétuée aujourd’hui avec rigueur par Monsieur le conseiller Michel DEFIX.
Je suis très fière ainsi que DACCORD-MEDIATION d’avoir activement œuvré à ce projet au côté de mes
consœurs et de mes confères médiateurs.
Françoise Housty
Présidente

En savoir plus sur file:///C:/Users/jpbs/Downloads/ARTICLE%20PERMANENCES%20INFORMATION%20SUR%20LA%20MEDIATION%20TJ%20TOULOUSE.pdf

Entretien avec Nina Vernay, médiateure, ancienne étudiante de l’université Lyon II et co-fondarice de l’association Le Labo Collectif


« Quel est votre cursus ?

J’ai obtenu une licence en droit privée et un master 1 et 2 en  Justice, procès et procédures – Médiation

Avez-vous une anecdote à nous raconter sur votre cursus ?

Je n’ai pas une anecdote en particulier mais je peux vous avouer que j’ai obtenu ma licence de droit en cinq années !! J’y ai appris la détermination.
Ces cinq années bien chargées en émotions tant dans la réussite que dans l’échec m’ont permis de prendre le temps d’étudier ce qui faisait sens professionnellement dans mon parcours de vie, et d’avoir le cran de me lancer dans l’expérience dans laquelle je suis aujourd’hui.


Pourquoi avoir choisi ce métier ?

Je me suis intéressée aux modes alternatifs de règlement des conflits lors de mes interventions bénévoles à la maison d’arrêt de Corbas (avec l’association le G.E.N.E.P.I). J’ai pu y observer de nombreux conflits entre les personnes détenues puis entre le personnel pénitencier et les personnes incarcérées. Il m’a semblé y avoir une réelle carence dans le traitement de ces conflits. J’ai imaginé que l’apprentissage à la médiation pouvait être intéressant en milieu carcéral. D’autre part je trouvais la réponse pénale insuffisante et inappropriée pour de nombreuses situations là où la médiation était, elle, plus adaptée.

Sensible au milieu éducatif il m’est apparu évident d’enseigner les attitudes responsables et proportionnées face au conflit dès le plus jeune âge et ce par le biais de la médiation. J’ai donc eu envie de créer une structure qui a pour vocation de sensibiliser les enfants et les adultes à la médiation. En 2017, j’ai co-fondé l’association Le Labo Collectif dans laquelle  j’anime d’une part les ateliers de médiation par les pairs dans les écoles élémentaires et d’autre part je coordonne l’activité de l’association. Dans un premier temps nous nous sommes concentrés sur le milieu scolaire, mais à terme nous souhaitons intervenir en milieu carcéral.

En quoi consiste votre travail ?

Je mets en place des ateliers de sensibilisation à la médiation par les pairs dans les écoles et j’anime des ateliers de gestion des émotions et de gestion du conflit dans les écoles élémentaires. Nous sommes également en train de travailler avec une autre structure sur des modules sur les différentes attitudes à adopter face au conflit au sein des entreprises.

À quoi ressemble une journée type ?

Aucune journée ne se ressemble. Mais on peut dire que j’alterne entre dispense d’ateliers, veille documentaire, communication-relation partenaires, création de nouveaux supports et recherche de subventions.


Quelles compétences avez-vous acquises pendant votre cursus ?

J’ai acquis des connaissances et compétences en gestion de conflit, communication verbale/non verbale et droit. J’ai également développé un esprit critique et un goût pour la recherche et l’analyse de données.
Mon master en médiation m’a surtout donné l’envie et la possibilité de créer ma propre structure et d’imaginer mon métier.

Quels sont les savoir être et savoir-faire nécessaires à l’exercice de votre métier ?

Le sens de l’observation, la gestion de projet, l’analyse des situations, un bon relationnel, un sens de l’organisation, de l’autonomie et de la détermination.


Quels conseils donneriez-vous à des futur.es étudiant.es ?

Saisissez toutes les opportunités !

La licence de droit est un parcours passionnant semé d’opportunités, qui ouvre à de nombreux métiers. On y apprend, outre l’aspect théorique bien fourni, la rigueur et les vertus de l’échec.
Je conseillerais donc aux étudiants de ne rien lâcher tout au long de leur parcours, car aucun ne se ressemble. La faculté permet de se découvrir personnellement et professionnellement, mais aussi de faire des rencontres déterminantes pour l’avenir.

Ce master a été pour moi révélateur, j’y ai vu une carte blanche pour la création de mon métier. Il y a des cours et des interventions très variées, n’hésitez pas à prendre contact avec les intervenants qui sont très accessibles en général et qui pourront vous ouvrir à leur milieu professionnel. Ce master est « à part » des autres, non conventionnel, il faut y saisir toutes les opportunités et le voir comme un tremplin.

Quel est votre salaire ?

J’étais récemment employée chez un bailleur social en tant que coordinatrice tranquillité (pour un salaire de 27 K€/an) j’ai quitté ce travail récemment pour me consacrer à 100% à la médiation scolaire avec l’association Le Labo Collectif. Ralenti pour l’instant par les aléas de la maternité nous espérons toutefois m’assurer un salaire courant 2021. » (Extrait dedroit.univ-lyon2.fr du 18/02/2021)

En savoir plus sur https://droit.univ-lyon2.fr/faculte/vie-de-la-faculte/portraits/interview-nina-vernay-ancienne-etudiante-m2-justice-proces-et-procedures-mediation

Québec : « Médiation : Créer un contexte de discussion propice à l’écoute des opinions minoritaires » par Par Jean Poitras et Solange Pronovost (Conflits et Stratégies)


Capture.PNG125.PNG« Vous agissez en tant que médiateur dans un conflit en milieu de travail qui oppose deux collègues. Durant la première rencontre, ceux-ci font un bout de chemin et à force de discuter, modifient leur compréhension de la situation ainsi que leurs positions. Toutefois, à la rencontre suivante, vous remarquez qu’il y a chez eux, un certain recul vers leur point de vue initial; comme si une puissance invisible les avait ramenés dans leurs conceptions de départ. Malgré que le conflit soit de nature interpersonnelle entre les deux individus, se pourrait-il que les gens de leur environnement les aient influencés négativement? Pour donner suite à cette interrogation, l’utilisation de la théorie de la réalité partagée peut être de mise.

En 1935, dans un laboratoire de psychologie de la Columbia University, le professeur Muzafaer Sherif a fait observer à des groupes de sujets, des points lumineux qui se déplaçaient de façon totalement aléatoire. À partir de cette expérience très simple, il a fait les trois constats suivants.
  • Les gens trouvaient une explication «logique» pour expliquer le pattern des déplacements des points lumineux, même si dans les faits, ceux-ci déplaçaient purement au hasard.
  • En discutant des diverses logiques de déplacement, le groupe en venait à un consensus sur une explication commune concernant ces mouvements.
  • Une fois que ce cette explication faisait consensus, il devenait très difficile de la modifier, même si on révélait au groupe la nature aléatoire des déplacements!
Erich Fromm résume bien le phénomène
de la réalité partagée (Source: AZ Quotes)

Phénomène de réalité partagée. C’est ainsi qu’est née l’étude du phénomène de groupe appelé la réalité partagée. Résumé de façon sommaire, ne réalité partagée est une interprétation commune à un groupe d’un événement ou d’une situation. Il est à noter qu’elle constitue avant tout le résultat d’un consensus de groupe et peut différer de la réalité objective comme dans le cas des expériences de Muzafaer Sherif. La présence d’une réalité partagée permet aux individus d’avoir le sentiment de faire partie d’une équipe homogène. Elle est donc souvent motivée par le besoin d’appartenance.

On peut résumer sommairement le processus de construction d’une réalité partagée de la façon suivante :

  • Étape 1 – Recherche de sens. Les gens ont tendance à chercher des explications pour donner un sens à ce qu’ils voient ou vivent. Un biais de complaisance (i.e. trouver une explication qui fait l’affaire des gens) peut influencer ce processus.
  • Étape 2 – Validation sociale. Les individus discutent avec leurs collègues du sens qu’ils ont trouvé pour valider leurs perceptions. Cet échange fera converger les explications vers une signification commune qui deviendra alors la réalité partagée du groupe.
  • Étape 3 – Consolidation de la réalité partagée. L’interprétation de la situation, qu’elle soit erronée ou déformée, fait consensus et devient l’interprétation «officielle» des événements. Celle-ci se présente souvent comme une version stéréotypée de la réalité.
  • Étape 4 – Régulation sociale. Tout individu qui remettra en cause cette opinion commune ressentira une pression à se conformer à l’unanimité du groupe. C’est ce qui fait qu’il est difficile de modifier une réalité partagée par un groupe. Ce phénomène est souvent informel et constitue une réaction instinctive.

Impact sur la gestion d’un conflit. Comme la plupart des conflits ne se situe pas dans un vacuum social, le phénomène de la réalité partagée peut être une dimension importante de la dynamique d’un conflit. Prenons l’exemple d’un conflit impliquant deux individus. Chaque personne aura tendance à raconter sa version des faits à ses collègues. À force de discussions, le groupe d’ami(e)s de chacun des individus impliqués en viendra à une interprétation de l’épisode conflictuel qui fera consensus (i.e. leur réalité partagée). Qui plus est, il y a fort à parier que cette dernière sera fortement différente de celle de l’autre sous-groupe. En fait, il y a aura donc souvent autant de réalités partagées qu’il y a de protagonistes.
Selon la théorie de la réalité partagée, même si les deux groupes références des protagonistes ne sont pas parties prenantes à la médiation, ceux-ci auront quand même une influence importante sur les protagonistes et par le fait même sur le processus.
En effet, si un participant change d’opinion ou d’attitude lors d’un entretien avec l’autre, mais que le groupe référence de celui-ci n’a pas fait de même, il y a un risque que son influence (pression vers la conformité) fasse en sorte que cette personne revienne à sa position ou à son comportement antérieur. Par exemple, ses amis lui diront qu’il ou elle est en train de se faire avoir. Les gains relationnels obtenus durant la médiation seront alors perdus!
Gestion du phénomène. Il importe donc dans les situations de conflits imbriqués dans une dynamique de groupe d’intervenir autant auprès des protagonistes que des collègues de chacun d’eux. Il faut faire évoluer la réalité partagé du groupe pour qu’elle corresponde aux changements de position des protagonistes. Le médiateur voudra notamment communiquer au groupe référence de chaque protagoniste :
  • L’évolution de la compréhension du conflit en mettant l’accent sur les nouvelles informations qui ont permis aux protagonistes de changer la manière de voir les choses
  • Le développement d’un consensus en regard du cheminement vers une entente en expliquant les compromis effectués de part et d’autre
Pour revenir à la question de départ de cette réflexion quant à savoir si on doit se soucier de l’opinion des collègues des participant(e)s à une médiation, il serait erroné de conclure que les sous-groupes qui leur sont associés ont nécessairement une influence négative sur eux et qu’il faut la neutraliser .
S’il est vrai que la réalité partagée par une entité peut avoir un effet d’ancrage dans les positions de départ, ce n’est généralement pas à cause d’une mauvaise intention, mais simplement parce que le phénomène est ignoré. En prenant soin de faire évoluer l’interprétation d’une situation conflictuelle autant pour les individus directement impliqués que pour les sous-groupes associés aux individus, le médiateur averti peut utiliser ce phénomène comme levier de changement.
En effet, la modification de la réalité partagée du groupe favorisera non seulement l’atteinte d’un consensus entre les participant(e)s à la médiation, mais encouragera le respect de cette entente à cause du phénomène de régulation sociale. Lorsque que le consensus devient la nouvelle réalité partagé, la pression des pairs à s’y conformer deviendra un levier pour maintenir l’adhésion à une entente. C’est ainsi que l’entente sera plus solide si les groupes références l’appuient. « 

Références

  • ECHTERHOFF, Gerald, HIGGINS, E. Tory, et LEVINE, John M. Shared reality: Experiencing commonality with others’ inner states about the world. Perspectives on Psychological Science, 2009, vol. 4, no 5, p. 496-521.
  • HARDIN, C. D., et HIGGINS, E. T. (1996). Shared reality: How social verification makes the subjective objective. Dans SORRENTINO, Richard M. et HIGGINS, E. Handbook of motivation and cognition, Vol. 3: The interpersonal context. Guilford Press, 1996, vol. 3, p. 28-84.
  • SHERIF, Muzafer. The psychology of social norms. 1936.

(Extrait de conflits-strategies.com du 5/10/2018)

En savoir plus sur www.conflits-strategies.com/2018/10/ch119.html#more

Décès de Kofi Annan, l’ancien secrétaire général des Nations unies et médiateur de l’ONU et de la Ligue arable dans la guerre en Syrie.


Le Ghanéen Kofi Annan, secrétaire général emblématique de l’ONU qui a repensé l’organisation quand il était à sa tête entre 1997 et 2006, est mort samedi, a annoncé sa fondation sur Twitter. Il avait reçu le prix Nobel de la paix en 2001.

Kofi Annan, le 15 juin dernier lors de l'une de ses dernières apparitions publiques à Oxford, au Royaume-Uni.
Kofi Annan, le 15 juin dernier lors de l’une de ses dernières apparitions publiques à Oxford, au Royaume-Uni. (Sipa)

Il incarnait la diplomatie au service de la paix, la « voix de médiation salutaire » selon l’expression de l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou. Le Ghanéen Kofi Annan, l’ancien secrétaire général de l’ONU de 1997 à 2006, est mort samedi à l’âge de 80 ans en Suisse, a annoncé sur Twitter sa fondation dans un communiqué. « Il s’est éteint paisiblement ce samedi 18 août après une courte maladie. Sa femme Nane et ses enfants Ama, Kojo et Nina étaient à ses côtés durant ses derniers jours », précise le texte diffusé sur les réseaux sociaux.

Septième secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan était, comme le décrit sa fondation, un « champion ardent de la paix, du développement durable, des droits de l’Homme et de l’état de droit », mais aussi un fin négociateur qui a su, dans des dizaines de médiation, démêler les fils d’un conflit et faire aboutir à un accord entre belligérants. Une carrière de diplomate couronnée par un prix Nobel de la paix en 2001.

Un fonctionnaire des Nations unies

Kofi Annan a une formation hétéroclite, étudiant d’abord les sciences à Kumasi, au Ghana, avant de partir dans les années 60 aux Etats-Unis où il obtient un baccalauréat d’économie. Brillant élève, il est ensuite diplômé de l’Institut de hautes études internationales de l’université de Genève, en Suisse, avant de revenir au Massachusetts Institute of Technology, le fameux MIT situé près de Boston. Ce CV en poche, il commence à travailler pour l’ONU, au sein de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), dès 1962.

Le fonctionnaire qui travaille au service budgétaire de l’OMS grimpe peu à peu les échelons administratifs, passant d’une entité à une autre. Il est ainsi en poste à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, à la Force d’urgence des Nations unies, au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Genève et enfin au Siège des Nations unies à New York, où il devient, en 1987, le sous-secrétaire général à la gestion des ressources humaines.

La guerre du Golfe, le dossier qui l’a révélé

En 1990, la guerre du Golfe éclate avec l’invasion du Koweït par l’Irak. Kofi Annan se retrouve en première ligne, ayant reçu comme mission spéciale le rapatriement de l’Irak de plus de 900 fonctionnaires internationaux et ressortissants de pays occidentaux. Fort de la réussite de cette mission, il dirige ensuite la première équipe des Nations unies chargée de négocier avec l’Irak sur la question de la vente du pétrole pour financer l’aide humanitaire – un programme « pétrole contre nourriture » qui a, en France, a débouché sur une affaire politico-judiciaire. Kofi Annan se révèle alors comme un fin négociateur.

La mondialisation, en théorie, doit nous rapprocher, mais en pratique risque de nous éloigner davantage.

Son ascension continue au sein de l’ONU : après avoir été promu sous-secrétaire général par Boutros Boutros-Ghali, il devient secrétaire général le 1er janvier 1997. A la tête de l’organisation, il promeut sans relâche le multilatéralisme et prend de nombreuses initiatives, comme en 1998, quand il parvient à renouer le dialogue entre les Etats-Unis et l’Irak de Saddam Hussein par le biais de la diplomatie, évitant ainsi une nouvelle guerre du Golfe. Il n’empêche pas pour autant la guerre d’Irak débutée en 2003, et ce, malgré ses nombreux efforts pour éviter le conflit. Lors de sa dernière conférence de presse en tant que secrétaire général en décembre 2006, il évoque avec amertume cet épisode : « Le plus mauvais moment a été la guerre en Irak qu’en tant qu’Organisation, nous n’avons pas pu l’empêcher et j’ai pourtant fait tout ce que j’ai pu pour cela. »

Reste qu’avec Kofi Annan, réélu secrétaire général en 2002, l’ONU redevient un élément moteur de la communauté internationale. Le diplomate met en garde contre la mondialisation, « qui en théorie doit nous rapprocher, mais en pratique risque de nous éloigner davantage ». Il défend la liberté de religion et s’en prend dès qu’il le peut au principe de « conflit de civilisations ». Le conflit israélo-palestinitien, la situation au Darfour, la lutte contre les talibans afghans tout comme les dérives possibles de cette lutte – Kofi Annan, pourtant considéré comme « l’homme des Américains » à sa nomination a régulièrement critiqué la prison de Guantanamo -, la lutte contre le réchauffement climatique, la bataille contre le sida… Le Ghanéen est sur tous les fronts.

C’est sans doute pour tous ces combats qu’en octobre 2001, un mois pourtant après les attentats du 11-Septembre et quelques jours après les premières frappes américaines en Afghanistan, le prix Nobel de la paix est décerné conjointement à l’Organisation des Nations unies et à Kofi Annan.

Héraut de la « responsabilité de protéger »

Après l’ONU, le Ghanéen choisit d’abord l’environnement comme domaine d’action. Il est ainsi nommé à la tête de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra), un organisme créé en 2006 dont le but de l’alliance est d’aider les paysans africains à améliorer leur rendement. En parallèle, il devient le président de la Fondation de soutien à l’Organisation mondiale contre la torture, la plus importante coalition internationale d’ONG actives dans la protection des droits de l’homme dans le monde. Il est également membre de la Fondation Chirac et participe au prix de celle-ci pour la « prévention des conflits ».

Si un génocide, comme celui du Rwanda, ne parvenait pas à nous faire bouger, qu’est ce qui pourrait bien nous faire réagir?

Surtout, il pilote le groupe des Global Elders [« les sages mondiaux »], créé par Nelson Mandela, afin de promouvoir la paix et les droits de l’homme dans le monde. En février 2012, il reprend du service pour l’ONU en tant qu’émissaire dans la crise en Syrie. Une dernière mission qu’il ne parvient pas à conclure : en août 2012, il doit démissionner de ce poste de médiateur, constatant son échec. Mais cette mission est l’occasion pour lui de rappeler le concept juridique qu’il a érigé en règle : la « responsabilité de protéger ».(Extrait de lejdd.fr du 18/08/2018)

En savoir plus sur https://www.lejdd.fr/international/afrique/kofi-annan-lancien-secretaire-general-de-lonu-et-prix-nobel-de-la-paix-est-mort-3735560