Assemblée Nationale : PROPOSITION DE LOI visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale par Patrick VIGNAL, député


EXPOSÉ DES MOTIFS


Mesdames, Messieurs,


Notre société est confrontée à des défis majeurs. La dégradation du lien social se
manifeste dans nos territoires par la persistance d’un niveau élevé de délinquance, un
accroissement des incivilités et des conflits de voisinage. Par ailleurs, l’accès aux droits
demeure une préoccupation majeure : le niveau de non-recours à certaines aides
sociales, qui reste élevé, en témoigne. Enfin, notre société en pleine mutation
(écologique, numérique) ne doit pas laisser de côté une partie de nos concitoyens,
notamment les plus fragilisés.


Ces phénomènes nourrissent le sentiment d’abandon et de lassitude ressenti par
les habitants, particulièrement dans les territoires les plus en difficulté : quartiers
prioritaires de la politique de la ville, centres anciens dégradés, zones périurbaines,
petites et moyennes villes, territoires ruraux, territoires ultra-marins.
L’État et les collectivités territoriales partagent ce constat et identifient la même
réponse : renforcer la présence humaine sur le terrain, au plus près des habitants et des
besoins qu’ils expriment. Cette réponse passe par une présence accrue des
professionnels de l’intervention sociale que sont les médiateurs sociaux, pour répondre
aux besoins croissants et non satisfaits d’une société en évolution : il s’agit de renouer
le lien social, contribuer à l’émancipation du citoyen et favoriser le vivre et l’agir
ensemble.


La médiation sociale se caractérise par sa double finalité :
– Facteur de lien social et d’intégration, elle aide à restaurer une communication
entre les personnes, les groupes de personnes et les institutions et facilite ce
besoin d’être reconnu par l’autre ;
– Facteur de tranquillité sociale, elle participe à la régulation des tensions, à la
prévention et gestion des conflits et des incivilités et favorise une citoyenneté
active.
Elle doit ainsi contribuer :
– à restaurer le lien social et la cohésion sociale ;
– à prévenir la délinquance et l’exclusion ;
– à prévenir et gérer les conflits à la bonne échelle (celle du terrain qui les a vu
naître) et à privilégier le règlement à l’amiable (plutôt que le recours à la voie
judiciaire) ;
– à accroître l’accès aux droits et à diminuer le non-recours aux aides sociales ;
– à redonner à chacun sa capacité à faire et à agir ensemble dans une société plus
durable.

Cette réponse est fondée sur le dialogue et la négociation de proximité, au plus près
des difficultés rencontrées par les habitants dans leur vie quotidienne. Au-delà, il s’agit
de renouer un lien social distendu, progresser vers davantage de cohésion sociale et
territoriale, donner corps à la fraternité et à la solidarité au bénéfice des habitants pour
honorer la promesse républicaine.


Ce qui est en jeu constitue un vrai projet de société, celui d’une société plus inclusive.
Les fonctions de médiation sociale se sont fortement développées ces dernières
années. Dans une société marquée par une crise sanitaire et sociale inédite qui a
provoqué de la distanciation sociale et créé des tensions, elles doivent être confortées et
encouragées, en complémentarité et en cohérence avec les actions engagées par les
acteurs socio-culturels et d’éducation populaire, pour contribuer à mettre en pratique au
quotidien les valeurs portées par la République.


En effet, la médiation sociale n’a de sens que si elle s’inscrit dans une coopération
avec l’ensemble des autres acteurs, dans le champ social ou celui de la tranquillité
publique. C’est dans cette chaîne de prise en charge, de continuum et de partenariat, que
la médiation sociale trouve toute sa place.
Le secteur de la médiation sociale bénéficie d’un soutien significatif de l’État, via
notamment le dispositif adultes-relais, financé par le programme 147 « Politique de la
ville ». Ce dispositif compte aujourd’hui 6500 postes répartis sur la totalité du territoire
national.
Au-delà des adultes-relais, on estime au total à 12 000 le nombre d’emplois existants
de médiation sociale, regroupant des fonctions exercées sous des dénominations
différentes : médiateurs sociaux, médiateurs socio-culturels, correspondants de nuit,
agents d’ambiance, etc. Ces dénominations renvoient à des pratiques professionnelles
spécialisées. La médiation sociale concerne différents secteurs d’intervention : l’habitat
et le logement, les transports, l’éducation, la tranquillité publique, l’intervention sociale,
les services à la population…


Néanmoins, les pratiques de la médiation sociale se sont développées sans qu’un
cadre légal unifié et reconnu par tous n’en régisse l’exercice pour le médiateur :
– Il n’existe pas à ce jour de texte législatif confortant la médiation sociale et
reconnaissant son utilité sociale.
– Aucun texte relatif à la médiation sociale et aux médiateurs ne permet en l’état
d’identifier les structures professionnelles, ni les médiateurs compétents.
– De nombreuses structures, qu’elles soient associatives ou publiques, développent
des activités dans le domaine de la médiation sociale sans en connaître le cadre
en l’absence d’un texte en régissant les pratiques.
Si le développement de la médiation sociale est souhaitable, il faut garantir la qualité
des processus mis en œuvre par les acteurs du secteur. Il convient également de fairesavoir aux commanditaires des prestations de médiation – collectivités territoriales,
opérateurs publics de service… – qu’ils disposent de la garantie induite par l’adoption
d’une démarche de qualité dans le secteur.


Cette garantie se révèle d’autant plus stratégique que le recours aux prestations de
services dans le domaine de la médiation s’opère au travers de procédures de marchés
publics : les acteurs associatifs de la médiation entrent alors en concurrence avec des
entreprises du secteur marchand. Ils doivent par conséquent faire la démonstration de la
qualité, tout autant que de la singularité de leurs offres.


Depuis plusieurs années, des acteurs du secteur réclament un encadrement de cette
activité. C’est pourquoi, dans un premier temps, l’État, en appui au secteur de la
médiation sociale, a soutenu le développement d’une norme AFNOR. Cette norme est
basée sur les grands principes des normes internationales de management (réalisation
d’un diagnostic, affectation de moyens nécessaires à la mise en œuvre des activités
visées par la certification, activité professionnelle, évaluation et amélioration continue).
Les champs couverts par la norme sont : le cadre de la structure, son offre de services,
le management des équipes, les partenariats et la mesure de l’efficacité. Son
homologation est devenue définitive en décembre 2021.
Plus récemment encore, le rapport parlementaire « Remettre de l’humain dans les
territoires » remis le 28 mars 2022 au Premier ministre Jean Castex par Patrick Vignal,
député de la 9 ème circonscription de l’Hérault, dont l’objet était de réaliser un état des
lieux de la médiation sociale et de formuler des propositions d’amélioration de
l’existant, a réaffirmé, à travers 18 propositions, ce besoin de consolider un secteur
encore trop fragile, notamment par la voie législative.


L’adoption de ces dispositions législatives permettra de donner un cadre au métier
de médiateur social, à l’instar de celui d’éducateur spécialisé, déjà reconnu par ailleurs ;
les médiateurs sociaux présents sur le terrain et cette profession, qui se développe et
diversifie ses champs d’intervention, doivent disposer de la pleine reconnaissance des
pouvoirs publics. Cette reconnaissance constitue un préalable au renforcement de la
présence humaine dans les territoires : elle permettra aux médiateurs d’œuvrer en toute
confiance et en complémentarité avec les autres métiers du travail social.
L’enjeu aujourd’hui est donc de donner un cadre légal à ce secteur. Tel est l’objet de
la présente proposition de loi. Ses articles visent à reconnaître les métiers de la médiation
sociale.


L’article 1 insère dans le livre IV du code de l’action sociale et des familles, livre
consacré aux professions et activités sociales, un nouveau titre VIII spécifique à la
médiation sociale. Ce titre VIII est composé de cinq articles réunis en un chapitre unique.
Le premier (L. 481-1) définit la médiation sociale, ses objectifs, ses modalités
d’action et son cadre d’intervention.Le second (L. 481-2) précise que le processus de médiation sociale garantit le libre
consentement des parties prenantes, la confidentialité de leurs échanges, la protection
des personnes et le respect de leurs droits fondamentaux.
Le troisième (L. 481-3) prévoit que la médiation sociale pourrait être mise en place
à l’initiative de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, et de toute
personne morale, publique ou privée. Il prévoit que des contrats pluriannuels de
développement territorial de la médiation sociale puissent être signés pour coordonner
les initiatives prises par ces parties intéressées au déploiement de la médiation sociale.
Le quatrième (L. 481-4) prévoit que des référentiels de compétences, de formation
et de bonnes pratiques définissent et encadrent les modalités d’intervention des
personnes morales qui exercent des activités de médiation sociale. Ces référentiels
s’articulent avec ceux du travail social.
Le cinquième (L. 481-5) précise que les modalités d’application de ce chapitre
seront déterminées par décret.
L’article 2 modifie l’article 121.2 du code de l’action sociale, en prévoyant que le
département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter
l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles, qui peuvent prendre la
forme des actions de médiations sociale définies au titre VIII nouvellement créé de ce
code.
L’article 3 tire les conséquences de cette reconnaissance de la médiation sociale
sur la définition des missions des adultes-relais prévues à l’article L 5134-100 du code
du travail.

PROPOSITION DE LOI


Article 1 er
Le livre IV du code de l’action sociale et des familles est complété par un
titre VIII ainsi rédigé :


« TITRE VIII
MEDIATEURS SOCIAUX
CHAPITRE UNIQUE


Art. L. 481-1. – La médiation sociale est un processus de création et de réparation
du lien social, ainsi que de règlement des situations conflictuelles de la vie
quotidienne.
Elle participe à la régulation des tensions et à la prévention des comportements
incivils, notamment dans les espaces publics ou collectifs.
Elle vise à améliorer une relation, à prévenir ou régler un conflit qui oppose des
personnes physiques entre elles, ou avec des personnes morales, publiques ou
privées, grâce à l’intervention d’un tiers impartial et indépendant. Elle facilite la
mise en relation entre les personnes et leurs interlocuteurs nécessaires à la
résolution des différends.
Elle crée les conditions favorables à l’autonomie, la responsabilité et la
participation des parties prenantes.
Elle contribue à l’égalité réelle en facilitant l’accès aux droits et aux services
publics.
Elle agit localement et mobilise les acteurs de proximité.


Art. L. 481-2. – Le processus de médiation sociale garantit le libre consentement
des parties prenantes, la confidentialité des échanges entre celles-ci, la protection
des personnes et le respect de leurs droits fondamentaux.

Art. L. 481-3. – La médiation sociale peut être mise en place à l’initiative de
l’État, des collectivités territoriales et leurs groupements ou de toute personne
morale, publique ou privée.
Des contrats pluriannuels de développement territorial de la médiation sociale
peuvent être signés pour coordonner les initiatives prises par les parties
mentionnées au précédent alinéa.
Ils visent une couverture pertinente par la médiation sociale du territoire défini
par ces parties au regard des besoins identifiés, notamment dans les quartiers
prioritaires de la politique de la ville définis à l’article 5 de la loi n°2014-173 du
21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
Ces contrats précisent le cadre de la gouvernance et du pilotage du développement
territorial de la médiation sociale, ainsi que les contributions financières
respectives des signataires.


Art. L. 481-4. – Des référentiels de compétences, de formation et de bonnes
pratiques définissent et encadrent les modalités d’intervention des personnes
morales qui exercent des activités de médiation sociale. Ces référentiels
s’articulent avec ceux du travail social.

Art. L. 481-5. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées
par décret. »


Article 2
L’article L.121-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
a) Au 4°), après le mot « délinquance », il est inséré « ; » ;
b) Après le 4°), il est inséré un 5°) ainsi rédigé : « 5°) Actions de médiation
sociale définies au titre VIII du présent code. ».


Article 3
L’alinéa 1 er de l’article L 5134-100 du code du travail est ainsi modifié :
« Le contrat relatif aux activités d’adultes-relais a pour objet l’exercice de la
médiation sociale définie au titre VIII du code de l’action sociale et des familles.
Les adultes-relais exercent cette activité dans les quartiers prioritaires de la
politique de la ville. »

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