
« Depuis l’introduction de l’article 10-1 dans le code de procédure pénale, le
mouvement de développement de la justice restaurative en France a pris un
essor particulier. En 2017, trois ans après la loi du 15 août 2014, l’IFJR a souhaité
conduire une étude visant à documenter et fournir des éléments d’analyse sur
ce développement et la manière dont il influence le système de justice pénale français.
En effet, l’introduction de la justice restaurative en France apparait, à l’image de nombreux
pays, comme un élément de solution à une crise du système de justice pénale. C’est le constat
de cette crise, dans le cadre de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive en
2013 (1), qui a favorisé le soutien politique apporté à l’idée d’introduire la justice restaurative
en droit français sur la base de la transposition de la directive européenne du 25 octobre 2012.
La justice restaurative se présentait alors comme un outil de nature à permettre aux victimes
et aux auteurs d’infraction pénale de trouver une réponse à leurs attentes, principalement
synthétisées sous la forme d’une demande de réparation et d’une considération plus affirmée
de la victime, d’une resocialisation de l’auteur de l’infraction et d’un rétablissement de la paix
sociale (2.)
Encore fallait-il que la justice restaurative puisse être concrètement intégrée dans le
système. Il convenait en premier lieu de construire les éléments, à la fois méthodologiques et
organisationnels, opérationnels pour installer les premiers programmes. Sur la base de ces
premières expérimentations, l’IFJR a conduit des évaluations poussées entre 2015 et 2017.
Celles-ci ont montré tout le potentiel de la justice restaurative en ce qui concerne, d’une part,
la satisfaction des attentes des participants (alors même que ceux-ci étaient largement déçus
par le système de justice pénale) et, d’autre part, le renforcement des compétences des
professionnels qui participent à leur mise en œuvre et l’amélioration des conditions de
l’exercice de leurs missions à l’égard des publics qu’ils accompagnent (3.)
Ces évaluations ne portaient toutefois que sur des échantillons réduits et prenaient la
forme d’un diagnostic local plutôt que d’une évaluation ayant vocation à être généralisée.
Elles concernaient quelques participants et professionnels, impliqués dans une mesure, dans
le cadre d’un programme. À partir de 2017, l’IFJR a poursuivi l’objectif d’élargir le spectre de
cet effort d’évaluation de l’impact de la justice restaurative sur le système de justice pénale
en conduisant une enquête nationale.
Il convenait, dans un premier temps, de mesurer l’ampleur du phénomène. À partir de
2017, l’IFJR a conduit un effort de recensement systématique des programmes se déclarant
comme visant à mettre en œuvre des mesures de justice restaurative (au sens de l’article 10-
1 CPP).
À partir de cette identification, il convenait de préciser les contours opérationnels du
phénomène en précisant la nature et les formes de ces programmes ainsi que les difficultés
rencontrées par leurs promoteurs. Cet angle d’approche est celui qui a été adopté pour
l’enquête conduite en 2018, laquelle a pu mettre en évidence une grande diversité de
pratiques bien qu’une large majorité de programmes soit focalisée, pour le moment, sur les
rencontres condamnés-victimes (RCV). Elle a également mis en évidence le très fort intérêt et
la motivation des professionnels du secteur judiciaire (principalement de l’administration
pénitentiaire) ou parajudiciaire (aide aux victimes principalement dans notre étude), alors
même que ces derniers éprouvaient des difficultés importantes dans la mise en place de ces
programmes, eu égard au manque de moyens pour y parvenir 4
En 2019, tout en poursuivant l’identification et l’étude des programmes, l’IFJR a focalisé
son étude sur les mesures de justice restaurative mises en œuvre entre 2017 et 2018, en
s’intéressant aux retours d’expérience des personnes qui y ont participé en tant que victimes
ou auteurs d’infractions pénales. Cette étude a montré la grande satisfaction de ces personnes
qui ont pu y trouver des dispositifs adaptés à une prise en compte humaine de leurs attentes,
dans le respect de leur parole et de leurs aspirations 5. Cette étude contrastait avec celles qui
ont pu être conduites auprès de justiciables quant à leurs perceptions du système de justice
pénale et ayant démontré leur grande insatisfaction, pire, leurs espoirs déçus 6
.
En 2020, l’enquête a tout d’abord poursuivi l’étayage de l’étude des effets des mesures de
justice restaurative en agrégeant aux retours d’expériences de participants aux mesures de
2017 et 2018, ceux des participants aux mesures de 2019. L’enquête a aussi recentrée l’étude
du développement des programmes sur des indicateurs plus précis à partir des observations
des coordinatrices de nos antennes.
Un troisième volet a alors été ajouté à l’enquête, afin de rendre également compte de
l’impact de ces programmes de justice restaurative sur les professionnels et intervenants en
justice restaurative impliqués. Ce faisant, l’IFJR poursuit ainsi un double objectif. Le premier,
qui n’est pas un objectif de recherche mais un bénéfice secondaire, est de valoriser le travail
accompli depuis désormais près de 8 ans par ces professionnels qui œuvrent chaque jour,
donnent de leur personne, au service de la satisfaction des attentes des justiciables, trop
souvent déçus par les lacunes du système de justice pénale. Le second, objectif principal decette étude, est de mesurer l’impact de l’opérationnalisation de la justice restaurative sur ces
acteurs du système de justice pénale et, plus généralement, de la société, tout en rendant
compte aussi de la manière dont, eux-mêmes, perçoivent les effets de la justice restaurative
sur celles et ceux que ces professionnels accompagnent chaque jour.
Il restait, pour 2021, à inclure dans l’enquête nationale sur la justice restaurative un
quatrième et dernier volet. Celui-ci se concentre sur les bénévoles impliqués dans les
programmes de justice restaurative.
L’enquête 2021 qui est proposée aux lecteurs et lectrices de ce rapport réuni ces quatre
volets.
La première partie du document a pour objectif de donner une photographie de l’état du
développement de la justice restaurative en France en 2021 à partir des informations
recueillies par les quatre antennes de l’IFJR (l’antenne Sud-Est, l’antenne Nord-Est, l’antenne
Sud-Ouest et l’antenne de l’Ile de la Réunion). Ce « cliché » n’a par conséquent pas la
prétention d’être exhaustif, mais tente néanmoins de rendre compte le plus précisément
possible de la situation sur un territoire donné à un moment donné.
Dans une deuxième partie, l’enquête poursuit l’incrémentation des retours d’expériences
des participants aux mesures de justice restauratives mises en œuvre en 2020, s’ajoutant ainsi
à ceux des mesures mises en œuvre en 2017, 2018 et 2019. Ces 48 témoignages ici rassemblés
mettent en exergue le vécu, ainsi que les appréciations, tant en termes de bénéfices qu’en
termes de limites perçues, de ces participants et permettent de présenter les résultats que la
justice restaurative génère.
La troisième partie rassemble les 25 témoignages des professionnels et intervenants de 5
sites différents des 3 sites ayant fait l’objet d’une analyse l’année précédente. Ces récits
viennent compléter et enrichir les 33 retours d’expérience recueillis préalablement, en
mettant en exergue des constantes indéniables, mais également des spécificités propres à
chaque site qui viennent préciser, voire étayer, ces dernières. Ces points de vue offrent à voir
les perspectives des professionnels et intervenants en justice restaurative issus de divers corps
de métiers et exerçant des rôles distincts dans la mise en place des mesures. Ils évoquent les
apports de la justice restaurative dans leurs pratiques, mais aussi les difficultés qu’ils et elles
ont vécues dans ce cadre, ainsi que leur avis sur les interrelations, présentes et futures, entre
justice restaurative et système de justice pénale. Ces retours, formulés par les artisans de la
justice restaurative, donne matière à penser son avenir en France.
La quatrième partie intègre désormais à cette enquête les retours d’expériences de 17
bénévoles qui sont intervenus à titre de « membres de la communauté » dans des mesures
de justice restaurative. À travers leur récit, ils et elles livrent leur vécu de témoins privilégiés
du cheminement des personnes ayant participé à ces sessions de rencontres détenus-victimes
et rencontres condamnés-victimes. Ces personnes engagées partagent également leur regard
sur la justice restaurative et sur son rôle social.
Ce dernier volet vient ainsi boucler le tour des différentes perspectives par lesquelles
l’Institut Français pour la Justice Restaurative propose d’observer l’objet mouvant et en
devenir qu’est la justice restaurative à l’approche de ses 10 ans d’existence.
(1) http://www.justice.gouv.fr/justice-penale-11330/prevention-de-la-recidive-12453/12-recommandations-pour-une-nouvelle-politique-contre-la-recidive-25112.htmlhttp://www.justice.gouv.fr/justice-penale-11330/prevention-de-la-recidive-12453/12-recommandations-pour-une-nouvelle-politique-contre-la-recidive-25112.html
2. Rapport du jury consensus, 20 février 2013, p. 13, cons. 19.
3. Six rapports ont été rédigés à partir de 5 évaluations locales conduites sur des mesures ayant été mises en œuvre entre 2015 et 2018 : É. MATIGNON, « Rencontres Condamnés Victimes mises en œuvre par l’ADIAV et le SPIP 34, Juillet 2017, 28 p. ; B. SAYOUS et É. MATIGNON, « Rencontres Condamnés Victimes mises en œuvre par le SRJR « Île de France » de l’Association de Politique Criminelle Appliquée et de Réinsertion Sociale (APCARS) et le SPIP du Val de Marnes » (1ère session), avril 2018, 30 p. ; B. SAYOUS et É. MATIGNON, « Rencontres Condamnés Victimes mises en œuvre par le SRJR « Île de France » de l’Association de Politique Criminelle Appliquée et de Réinsertion Sociale (APCARS) et le SPIP du Val d’Oise (2ème session), Avril 2018, 37 p. ; B. SAYOUS et É. MATIGNON, « Rencontres Condamnés Victimes mises en œuvre par le SRJR « Île de France » de l’Association de Politique Criminelle Appliquée et de Réinsertion Sociale (APCARS) et le SPIP du Val d’Oise (3ème session), Avril 2018, 30 p. ; É. MATIGNON, « Rencontres Condamnés Victimes mises en œuvre par l’antenne d’Anglet du SPIP des Pyrénées Atlantiques et l’Association Citoyenne Justice Pays Basque (ACJPB) (1ère session), Avril 2018, 38 p. ; Ch. LEGRAND, « Rencontres Condamnés Victimes mises en œuvre par l’AMAV et le SPIP Vaucluse. Rapport d’évaluation à l’issue de la première session de rencontres », Mai 2019, 42 p. ;
(Extrait )
Rapport à consulter sur http://www.justicerestaurative.org/les-resultats-en-france/