
AVANT-PROPOS
Monsieur le Premier ministre,
Notre vivre en société est menacé par plusieurs défis : la prépondérance des situations
de conflits et de tensions, les violences et toutes formes d’incivilités détruisent durablement
les relations sociales. L’isolement relationnel, la précarité économique, la fracture
numérique, ainsi que les crises que nous connaissons, impactent également ces relations. La
reconstruction du lien social est alors nécessaire.
Ces difficultés sociales sont ressenties par nos concitoyens dans leur vie de tous les
jours et elles favorisent un sentiment d’abandon, voire de marginalisation.
Vous m’avez accordé votre confiance en me confiant la mission de mener une
réflexion sur celles et ceux qui participent tous les jours à maintenir ce lien social sur le
terrain, au plus près de nos concitoyens, et notamment sur les médiateurs sociaux.
Dans le cadre de cette mission, j’ai, comme vous me l’aviez demandé, réalisé un état
des lieux des dispositifs de la médiation sociale sur le territoire, notamment de ceux mis en
place dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et dans les quartiers de
reconquête républicaine (QRR).
Les premiers constats nous montrent l’importance croissante des dispositifs de
médiation sociale dans la régulation des rapports entre les individus et les groupes, dans la
résolution amiable des conflits et l’accès aux droits des plus fragiles. D’initiative citoyenne
ou institutionnelle, c’est par leur complémentarité avec les intervenants du champ social, de
la sécurité et de l’éducation, que ces dispositifs se développent et ouvrent des perspectives
pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens. Les évaluations d’impact menées dans
certaines villes démontrent l’intérêt d’investir dans tels dispositifs.
Dresser un tel état des lieux me permet de vous proposer des préconisations pour
améliorer les relations sociales et le cadre de vie des habitants. Vous le verrez, elles sont
fortes et nécessitent de faire évoluer notre regard sur ces acteurs de terrain, aujourd’hui sans
statut.
Pour dégager des pistes d’amélioration, nous sommes partis sur le terrain pour nous
mettre à l’écoute de l’expertise des territoires : nous avons multiplié les entretiens avec les
élus locaux, les partenaires et les opérateurs de médiation sociale.
J’ai auditionné à l’Assemblée nationale les associations d’élus, les têtes de réseau de
la médiation sociale et de la prévention spécialisée, ainsi que les administrations, les
opérateurs de l’État et les partenaires institutionnels. J’ai aussi souhaité mener une grande
consultation auprès de tous les maires des villes de plus de 20 000 habitants.
Monsieur le Premier ministre, il nous faut remettre de l’humain dans les territoires.
Cela passe notamment par le renforcement des professionnels tels que les médiateurs sociaux
et les éducateurs spécialisés, afin de créer les conditions durables d’une société apaisée dont
2
l’ADN premier serait le dialogue plutôt que le conflit, l’égalité pour tous dans l’accès aux
droits et aux services. Nous avons besoin de recréer les conditions de la confiance afin de
faire progresser notre vivre-ensemble et éviter les situations de rupture.
En ce sens, Monsieur le Premier ministre, je vous suis particulièrement reconnaissant
de m’avoir confié cette mission. Elle vise en effet à apporter sa contribution aux objectifs
que nous partageons : renouer un lien social distendu, progresser vers davantage de cohésion
sociale et territoriale, donner corps à la fraternité et à la solidarité au bénéfice des habitants
pour honorer la promesse républicaine. Ce qui est en jeu constitue un vrai projet de société,
celui d’une société plus inclusive.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma très haute
considération.
Patrick VIGNAL, député
PROPOSITIONS
Proposition n°1 :
Se doter d’un observatoire national de la médiation sociale, outil d’observation et de suivi
permanent de l’évolution des emplois de médiation sociale, associant notamment le
ministère chargé de la ville, le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, le ministère
chargé des affaires sociales et le CNFPT. Cet observatoire sera notamment chargé de
cartographier la présence des structures, associations, collectivités, groupements de
médiation sociale afin de distinguer les zones couvertes et non couvertes et d’identifier les
zones blanches ou carencées.
Proposition n°2 :
Favoriser le développement de portages mutualisés (associations, GIP) afin de garantir la
position de tiers des médiateurs sociaux et d’améliorer la coordination pour le déploiement
des médiateurs dans les territoires.
Proposition n°3 :
Reconnaître la médiation sociale dans un cadre législatif :
Une PPL a été déposée en ce sens par les députés Anne BRUGNERA, Jacqueline MAQUET,
Jean-Louis TOURAINE, Yves BLEIN, Thomas MESNIER et Éric POULLIAT. Elle vise à
insérer, dans le livre IV du code de l’action sociale et des familles – livre consacré aux
professions et activités sociales – un nouveau titre VIII dédié à la médiation sociale, qui aura
pour effet :
- de définir la médiation sociale, ses objectifs, ses modalités d’action et son cadre
d’intervention ; - de préciser que le processus de médiation sociale garantit le libre consentement des parties
prenantes, la confidentialité de leurs échanges, la protection des personnes, et le respect de
leurs droits fondamentaux ; - de prévoir que les référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques
définissant et encadrant les modalités d’intervention des personnes morales qui exercent des
activités de médiation sociale seront fixés par décret.
Propositions n°4 :
Déployer 7 000 postes de médiateurs sociaux sur le quinquennat, avec un triple
objectif : - mettre en place un dispositif de consolidation de l’emploi des médiateurs sociaux
expérimentés, afin de faciliter la pérennisation de leur présence dans les effectifs des
opérateurs de médiation sociale (3 000 postes) ; - se fixer un objectif d’accroissement de la couverture géographique par la médiation sociale
des territoires en difficulté, visant à réduire les zones carencées en la matière (3 000 postes) ; - accroître la présence de la médiation sociale en milieu scolaire pour couvrir la totalité des
collèges et écoles situés en REP et REP + (1 100 postes)
Propositions n°5 :
Rendre la norme NF X60-600 obligatoire pour l’exercice de la médiation sociale et comme
un des critères de sélection de tous les appels d’offre, appels à projets et offre de subvention,
la norme devenant obligatoire pour bénéficier d’un soutien de l’État. Cette obligation devra
être accompagnée d’un fonds de soutien afin que le plus grand nombre puisse obtenir la
certification dans les 3 ans venir. Cette aide financière de l’État couvrira au plus 50% du
coût du processus de certification, à charge pour les opérateurs candidats à la certification
de compléter le financement à partir d’autres financements externes ou de leurs ressources
propres. Le taux d’aide pourra toutefois être modulé autour du taux pivot de 50%, afin qu’il
puisse être supérieur pour les petites structures – sans qu’il puisse excéder 80% – et inférieur
pour les structures les plus grandes.
Proposition n°6
Clarifier les modalités de déploiement de la médiation sociale dans les territoires : la
PPL susmentionnée pourrait être complétée sur ce point, en prévoyant la signature de
conventions conclues à l’échelle départementale, entre l’État, les collectivités territoriales
concernées (Départements, communes et leurs groupements), ainsi que les autres partenaires
locaux (bailleurs sociaux, organismes de transport collectif, par exemple). Ces conventions
pluriannuelles viseraient la couverture la plus pertinente possible des territoires par la
médiation sociale, en tenant compte en particulier de ceux dans lesquels les besoins sont les
plus manifestes (notamment les QPV, les QRR et les ZRR). Elles auraient pour objet de fixer
le cadre de la gouvernance et du pilotage de ce déploiement, ainsi que les contributions
financières respectives des signataires.
Proposition n°7 :
Construire une filière de formation complète et diversifiée allant du niveau 3 au niveau 6
afin de garantir les conditions optimales d’exercice du métier.
Proposition n°8 :
Rendre obligatoire pour les personnes sans formation dont les compétences de terrain
ont justifié le recrutement, une formation initiale dans les six premiers mois de l’embauche.
Proposition n°9 :
Rattacher les futurs certifications/diplômes de médiation sociale au tronc commun de la
formation des travailleurs sociaux.
Proposition n°10 :
Créer deux écoles pour les cadres de la médiation sociale.
Proposition n°11 :
Mettre en place, à l’échelle départementale, un pilotage stratégique par l’État et les
collectivités territoriales : Ce pilotage conjoint permettra de diligenter des diagnostics
territoriaux, de prioriser les besoins, de garantir l’élaboration de plans d’actions et de
contrôler leur bonne mise en œuvre, notamment l’adéquation des postes alloués avec les
besoins repérés et la coopération entre les acteurs.
Il permettra également à l’État et aux collectivités territoriales de s’accorder sur les modalités
concrètes de déploiement de la présence humaine dans les territoires, ainsi que sur des règles
communes pour cadrer le soutien à apporter aux opérateurs. Dans ce cadre, par exemple,
l’État et les collectivités territoriales pourraient convenir de faire de la certification des
opérateurs à la norme AFNOR « médiation sociale » un critère d’éligibilité et de sélection
obligatoire dans tous les appels d’offre, ainsi que pour les appels à projets et autres
mécanismes de subvention. La certification à la norme AFNOR « médiation sociale »
deviendrait ainsi indispensable pour bénéficier du soutien tant de l’État que des collectivités
territoriales, avant de devenir pleinement obligatoire dans les conditions prévues ci-dessus
par la proposition n°5
Proposition 12 :
Poursuivre la mutualisation des financements engagés depuis plusieurs années entre les
différents commanditaires de la médiation sociale et ouvrir encore plus largement les
partenariats possibles, notamment en direction du secteur privé.
Proposition 13 :
Sortir des logiques d’appels à projets et appels d’offre qui renforcent depuis des années
la concurrence entre les opérateurs.
Proposition n° 14 :
Diffuser les bonnes pratiques en matière d’évaluation de la médiation sociale
notamment en matière d’outils de reporting et de référentiel d’évaluation.
Proposition n°15 :
Se doter d’un outil national d’observation et de suivi permanent pour la médiation sociale.
Proposition n°16 :
Organiser des temps d’échanges réguliers et des rencontres entre les éducateurs
spécialisés et les médiateurs sociaux à l’échelle de leurs territoires d’intervention respectifs
en y incluant des formations communes.
Proposition n°17 :
Développer une culture commune de la coopération et identifier les méthodes et
processus susceptibles de la faire progresser.
Proposition n°18 :
Mobiliser les réseaux nationaux à cet effet à la condition qu’ils soient eux-mêmes dans
une démarche de plus forte coopération
Rapport à consulter sur https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/284700.pdf