
SYNTHESE
La médiation en santé constitue un processus relationnel qui concourt à la résorption d’inégalités
sociales de santé grâce à sa fonction d’interface entre publics vulnérables et acteurs de santé.
D’initiative associative et historiquement ciblée sur des publics marginalisés (VIH, prostitution, gens
du voyage…), la médiation en santé s’adresse désormais à des publics en situation de vulnérabilité
pour des motifs variés qu’ils soient endogènes (précarité socioéconomique, crainte de la
stigmatisation, situation de handicap, etc.) ou exogènes (complexité du système de soins, difficultés
et délais d’accès, etc.). Malgré l’absence d’étude médico-économique en France ou à l’étranger, de
nombreuses initiatives territoriales ont permis d’éprouver la pertinence et l’utilité de la médiation
en santé dans la lutte contre les inégalités sociales de santé, conduisant à sa reconnaissance
institutionnelle progressive notamment au travers la loi de modernisation du système de santé de
2016.
Cette reconnaissance institutionnelle tardive et partielle explique l’absence de recensement fiable
au niveau national, exercice rendu d’autant plus délicat que les structures de rattachement des
actions de médiation sont diverses : centres de santé participatifs, maisons de santé, associations
menant des actions de santé, établissements de santé, établissements médico-sociaux, centre
communal d’action social et, bien que plus rarement, sociétés interprofessionnelles de soins
ambulatoires. La mission estime le nombre de médiateurs.rices en santé compris dans une
fourchette allant de 750 à 1 000 professionnel.les. Cette estimation n’épuise toutefois pas le champ
des situations d’interventions de médiation en santé, lesquelles mobilisent également des
bénévoles qui constituent en quelque sorte le réseau informel de proximité et de confiance du
professionnel, au plus près des lieux de vies des personnes concernées par les actions de médiation
en santé.
La médiation en santé permet en effet d’intervenir aux différentes étapes du parcours d’un
individu afin de prévenir les ruptures tout en produisant des externalités bénéfiques à l’ensemble
du système de soins. En amont de la filière de soins, la médiation en santé participe de la promotion
de la santé globale et, ce faisant, contribue à l’encapacitation des personnes. Elle facilite en outre
la prévention de par ses actions de repérage, de dépistage et le diagnostic des publics en situation
de précarité ciblés. Au sein de la filière de soin, l’impact de la médiation en santé est également
significatif dans la mesure où elle contribue à garantir l’accès effectif aux services de santé. D’une
part, parce qu’elle permet de garantir l’accès aux droits par un accompagnement à leur ouverture,
laquelle conditionne l’entrée et le maintien dans la filière des soins. D’autre part, car elle contribue
à garantir l’effectivité des soins, que ce soit au travers l’accompagnement physique de la personne
à ses différents rendez-vous (garantissant ainsi la continuité du parcours de soins ou prévenant des
refus de soins ou discriminations) ou par une intermédiation culturelle et/ou linguistique sans
laquelle l’expression du besoin, la prise en compte de dimension holistique de la personne, la
compréhension du langage médical ou l’observance thérapeutique seraient compromises. Enfin, la
médiation en santé constitue un investissement social rentable puisqu’elle contribue à
l’amélioration globale de l’état de santé des individus et de la population grâce notamment à des
actions de prévention. Par ailleurs dans des contextes favorables déjà bien dotés en ressources
professionnelles et communautaires, et bien qu’il ne s’agisse pas de sa vocation première, les
interventions de médiation en santé ont également pour effet de réduire la pression pesant sur les
ressources du système de santé, que ce soit en permettant de dégager du temps médical et
paramédical ou en réduisant le nombre de passage inappropriés aux urgences.
Malgré la démonstration empirique de sa pertinence et de son utilité pour lutter contre les
inégalités sociales de santé, la médiation en santé se heurte notamment à trois freins qui limitent
son efficacité et son efficience. Premièrement, l’absence de reconnaissance statutaire qui
entretient l’ambiguïté sémantique autour de ce que recouvre la « médiation en santé » et limite sa
bonne appréhension tant par les publics concernés que par les acteurs institutionnels et
partenaires des médiateurs.rices. Deuxièmement, la médiation en santé pâtit d’un cumul de
rapports de pouvoirs professionnels et institutionnels défavorables à la bonne coopération entre
acteurs et à la reconnaissance de la pertinence de ces actions souvent réalisées en dehors des
établissements : d’une part, parce qu’elle peine à asseoir sa légitimité professionnelle dans un
environnement caractérisé par le désintérêt voire la défiance de certains professionnels mus par la
crainte, consciente ou inconsciente, de réinterroger ou partager leurs pratiques professionnelles ;
d’autre part, en raison du fonctionnement institutionnel cloisonné du monde sanitaire, médico-
social et social qui complique le positionnement d’interface de la médiation en santé. Enfin, parce
que les acteurs perçoivent les financements publics comme complexes et non pérennes, affectant
leur capacité à projeter des actions sur le moyen terme et à recruter des professionnel.les sur des
emplois perçus comme précaires tant matériellement que symboliquement.
Compte tenu de ce qui précède, la mission recommande aux pouvoirs publics d’agir
prioritairement sur la levée de ces freins. Pour ce faire, elle propose une feuille de route articulée
autour de trois chantiers et assortie d’une méthode de pilotage qui en constitue l’indispensable
complément. En effet, considérant que le caractère fragmenté et secondaire du pilotage des enjeux
de la médiation en santé au sein des ministères sociaux est susceptible de compromettre
l’opérationnalisation de la présente feuille de route, la mission recommande la mise en place d’un
comité ad hoc chargé de piloter, en lien avec les acteurs concernés, l’avancement concret des
recommandations qui suivent. Elle propose par ailleurs de confier à ce comité une enveloppe
budgétaire ayant vocation, en lien avec Santé publique France, à financer l’engagement de travaux
de recherche-action en vue d’assoir la médiation en santé sur un « haut niveau de preuve », d’en
quantifier les coûts évités et de déterminer des indicateurs pertinents de mesure de son impact
tant pour bénéficiaires que sur le système de soins.
Prioritairement, la mission recommande d’achever la professionnalisation et la reconnaissance des
métiers de la médiation en santé. En effet, alors qu’elle constitue de fait une activité relevant
pleinement du champ des acteurs de la santé, l’absence de cadre statutaire et de reconnaissance
symbolique par le ministère en charge de ces sujets complique le positionnement d’interface de la
médiation en santé. Par conséquent, la mission recommande de consacrer l’existence du métier de
médiateurs et médiatrices en santé en l’inscrivant dans le code de la santé publique. Cette
consécration législative devra en outre s’accompagner de l’inscription du métier dans les
répertoires idoines (référentiel métier de la fonction publique hospitalière, répertoire opérationnel
des métiers et des emplois de Pôle emploi, etc.) et de la formalisation d’un cadre déontologique.
La mission suggère que cette tâche soit confiée au collectif de promotion de la médiation en santé
qui pourrait utilement se constituer en association nationale à cet effet.
Corrélativement, la mission recommande de bâtir des voies d’accès et de formation inclusives au
métier de médiateurs et médiatrices en santé. En effet, si certaines formations et DU existent déjà,
la mission considère que la reconnaissance d’un métier spécifique exige la structuration d’une filière
de formation susceptible de garantir une professionnalisation adéquate. Pour ce faire, elle
préconise la mise en place de deux voies, l’une relevant de la formation initiale, l’autre de la
formation continue. Concrètement, la mission recommande de créer :
- un diplôme de médiation en santé de niveau licence également accessible par la voie de la
validation des acquis personnels et professionnels (VAPP) ; - une certification professionnelle de médiation en santé enregistrée au répertoire nationale des
certifications professionnelles (RNCP) permettant d’accéder au métier par la voie de la
formation continue ou la reconnaissance d’une VAE.
Une esquisse de socle commun des connaissances requises pour pratiquer la médiation en santé
est proposée en annexe afin de servir d’appui à la construction des formations.
La structuration du cadre statutaire permettra de fidéliser et d’élargir progressivement le vivier des
acteurs de la médiation en santé. Parallèlement, et aux mêmes fins, la mission propose une série de
mesures (recommandations n° 2 et n°3) visant à en améliorer les conditions d’exercices en
garantissant un accompagnement et un outillage adéquat.
Enfin, considérant que la professionnalisation des acteurs de la médiation en santé doit aller de
concert avec sa valorisation auprès des autres acteurs du parcours de santé, la mission préconise
tant l’engagement d’actions de communications et d’interconnaissances entre établissements
dispensant ces formations que l’intégration d’un module théorico-pratique de sensibilisation à la
médiation en santé dans le parcours de formation initiale et continue des acteurs de santé, du
secteur social et médico-social.
Parallèlement au chantier statutaire, la mission préconise de rationaliser et de pérenniser
l’architecture du financement dévolu par l’Etat à la médiation en santé. En effet, l’efficacité de la
médiation en santé pâtit en effet d’un mode de financement émietté et majoritairement perçu
comme précaire. En effet, le financement de la médiation en santé est éclaté entre plusieurs
acteurs et, parmi ses acteurs, divers canaux (ARS, Politique de la ville, assurance maladie,
collectivités territoriales, expérimentations article 51 de la LFSS pour 2018…). Cet éparpillement se
double d’un défaut de stabilité financière lié à des financements essentiellement non pérennes
(appels à projet) ou perçus comme tel. Cette absence de lisibilité et de pérennité est préjudiciable
pour l’ensemble des acteurs : les porteurs de projets (démarches chronophages pour tenter
d’obtenir plusieurs financements et couvrir les charges liés à un ETP), les professionnel.le.s de la
médiation en santé (postes perçus comme précaires), l’Etat (absence d’information financière
fiable et agrégée) et surtout, les bénéficiaires (l’instabilité financière fragilisant des dispositifs et
donc, in fine, la qualité voire la capacité d’intervention dont l’efficacité est pour partie basée sur
l’établissement dans la durée d’une relation de confiance).
La mission propose de remédier à ces défauts en rationnalisant et pérennisant l’architecture
financière de la médiation en santé. Considérant la diversité des structures porteuses de médiation
en santé, laquelle ne permet pas d’envisager un modèle de financement unique, la mission
préconise une modélisation par typologie de structures. (Extrait)
Rapport à consulter sur https://fondation-mnh.fr/wp-content/uploads/2023/07/Rapport-interministeriel-Mediation-en-sante-VF_compressed.pdf