Formation : « Médiation familiale en milieu carcéral » par le FENAMEF à Paris, novembre 2025 et janvier 2026


« Présentation

La médiation familiale en milieu carcéral soulève des enjeux humains, éthiques et juridiques particuliers. Ce type d’intervention s’inscrit dans un contexte marqué par la privation de liberté, la rupture des liens familiaux, les effets de l’incarcération sur la dynamique familiale et les besoins spécifiques des personnes détenues et de leurs proches. Le cadre d’intervention impose une posture professionnelle adaptée, respectueuse du besoin de sécurité, des contraintes pénitentiaires et du processus de médiation.

Objectifs de la formation

  • Identifier les représentations autour de l’incarcération et du lien familial
  • Connaître les cadres juridiques (pénal, civil, pénitentiaire) liés à l’intervention en détention
  • Maîtriser le processus de médiation familiale adapté au milieu carcéral
  • Adopter une posture professionnelle et des outils adaptés au cadre pénitentiaire
  • Distinguer les différentes formes de médiation possibles en milieu carcéral
  • Identifier et s’appuyer sur un réseau professionnel lié à l’incarcération

Publics concernés

Tous professionnels de la médiation familiale souhaitant intervenir ou intervenant déjà en milieu carcéral.

Méthodes pédagogiques

Expositive, formative et participative.

En savoir plus sur https://www.fenamef.asso.fr/formations/catalogue-formations/mediation-familiale-en-milieu-carceral/

Audio : « La médiation familiale en milieu carcéral » Entretien avec Elizabeth Schmitlin, médiatrice familiale, créatrice du projet ’’médiation familiale en prison’’ par Justine Lacombe et Lucia Vintila, CFM Rodez



A écouter sur https://www.cfmradio.fr/la-mediation-familiale-en-milieu-carceral

Lyon : « Au-delà des murs », le musée des Confluences explore la prison


"Au-delà des murs", le musée des Confluences explore la prison

Lyon (AFP) – « C’est nous qui punissons. » La nouvelle exposition du Musée des Confluences, à Lyon, place volontairement le visiteur face à ses responsabilités avant de l’immerger dans l’univers carcéral.

C’est la première fois que l’institution, ouverte fin 2014 à l’extrémité de la presqu’île lyonnaise, « aborde de front pareil sujet de société », souligne Marianne Rigaud-Roy, responsable du projet.

Inspiré par la proximité géographique des anciennes geôles de Perrache, l’exposition a été coproduite avec le Musée international de la Croix-Rouge de Genève et le Deutsches Hygiene-Museum de Dresde.

Pourquoi enferme-t-on ? Comment (sur)vivre entre quatre murs ? Isoler pour réinsérer, un paradoxe ? Autant de questions auxquelles l’exposition, prévue jusqu’au 26 juillet, tente de répondre avec la rigueur scientifique et l’approche transversale qui font l’ADN du musée.

Une vingtaine d’experts ont été consultés et 160 objets, issus de collections pénitentiaires en France et en Europe, se mêlent à des peintures, dessins, photos, vidéos et installations.

La scénographie, signée du Suisse Tristan Kobler, s’articule autour de trois grandes cellules aux barreaux oranges mais aux portes sans serrure.

On entre dans la première par un sas où résonnent les bruits de la prison: un enregistrement de voix qui se perdent au milieu des claquements, des cliquetis, des cris, des sifflets, des huées.

Des photos du Français Grégoire Korganow, de l’Italien Valerio Bispuri ou une peinture de Chamizo (lui-même ancien « taulard ») montrent ensuite des fragments de vie de détenus, entre promiscuité et solitude, selon que l’on partage une cellule ou que l’on est à l’isolement.

Le quotidien carcéral est fait aussi d’angoisses, d’addictions, de violences. Dans une vitrine, des armes de fortune – une fourchette détournée en griffe, une poignée de placard transformée en poing américain, un poignard dissimulé dans un crucifix – entourent le trousseau de clés du surveillant et l’œilleton du cachot.

Plus loin, ce sont des pipes à eau bricolées dans un bidon en plastique ou une canette de soda. Dans le « carcéroscope » de l’artiste Marion Lachaise, des femmes racontent leurs existences claquemurées. « Il faut vivre, même enfermé », dit l’une d’elles.

– Dire « non! » – (Extrait de nouvelobs.com du 19/10/2019)

En savoir plus sur https://www.nouvelobs.com/societe/20191019.AFP6933/au-dela-des-murs-le-musee-des-confluences-explore-la-prison.amp?__twitter_impression=true

Suisse : « La médiation carcérale peine à émerger » par Camille Quehen (Le Courrier)


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« Peu connue dans notre pays, la médiation carcérale est proposée depuis plusieurs années en Belgique, aux Etats-Unis ou encore au Canada. L’Association pour la justice restaurative en Suisse (AJURES) promeut ce processus. Rencontre avec sa présidente, Camille Perrier Depeursinge, docteure en droit et avocate, pour le bulletin Infoprisons.

 

Auteure d’une thèse sur la médiation pénale, Camille Perrier Depeursinge a saisi l’importance de la justice restaurative en s’intéressant aux victimes et à leurs besoins de reconnaissance, de partager les conséquences de l’infraction et de pouvoir entendre l’auteur sur son ressenti. «En tant qu’ancienne victime, cela m’a parlé», relève la présidente de l’AJURES. Le système pénal suisse ne prévoit rien – ou si peu  – pour répondre à ces besoins. Quant aux auteurs d’infractions, il leur arrive souvent de regretter et d’être désolés. «Cela dit, dans un cadre pénal, si les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas clairement réalisés, on va plutôt leur conseiller de se taire.» D’où la nécessité de proposer un autre processus, à côté du système pénal, pour répondre à ces aspects et «donner aux auteurs une opportunité de tenter de réparer le mal qu’ils ont fait.» Pour Camille Perrier Depeursinge, il est essentiel de faire davantage confiance aux victimes et aux auteurs d’infraction, et «leur donner la capacité de s’exprimer et de réparer». Entretien.

AJURES: œuvrer pour la restauration du lien

L’Association AJURES a été créée à la fin de l’année 2015, sur l’impulsion d’un aumônier de prison et de deux médiateurs. Elle est aujourd’hui composée de deux médiateurs pénaux, d’un criminologue, d’une psychologue, d’une psychothérapeute FSP, d’un juriste et cinéaste, d’un aumônier de prison et d’une sociologue. Camille Perrier Depeursinge, docteure en droit et avocate, en assume la présidence. Au départ, l’idée était de promouvoir et de mettre en œuvre la justice restaurative en général. Le premier projet a été un programme de médiation carcérale dans les prisons, mais l’association s’est heurtée à des problèmes de bureaucratie, d’autorisations et à des enjeux politiques. Le deuxième projet porte sur des dispositions visant l’entrée en vigueur d’une base légale pour la justice restaurative, qu’AJURES a proposées à l’Office fédéral de la justice. Le retour a été assez positif mais le travail de sensibilisation doit être poursuivi. En outre, un documentaire intitulé Je ne te voyais pas a été réalisé par un membre du comité, présentant des médiations carcérales et pénales en Belgique avec l’association Médiante, et le programme Sycomore (dialogue entre victimes et détenus qui ne se connaissent pas mais concernant le même type d’infractions) mené en Argovie. Le film, qui doit sortir prochainement, montre les effets positifs d’un processus de justice restaurative.

 

Infoprisons: Quel est le fonction­nement et l’utilité de la justice restaurative, et de la médiation carcérale en particulier?

Camille P. Depeursinge: La justice restaurative est complémentaire à la justice pénale. Elle devrait être possible à tout moment, depuis la commission de l’infraction jusqu’à plusieurs années après le règlement de l’exécution de la sanction. Le temps de la reconstruction pour les auteurs et les victimes ne correspond pas au temps de la procédure pénale.

Il faut bien noter que la finalité de la procédure pénale est de répondre à un besoin de sanction, en déterminant l’infraction, la culpabilité et la sanction appropriée. En revanche, la justice restaurative répond aux besoins de la victime et de l’auteur de l’infraction en prenant en compte le fait que l’infraction a causé toutes sortes de dommages, et se demande comment il est possible de réparer ce qui est arrivé. La plupart du temps, on n’imagine pas que le détenu peut avoir envie de s’excuser; pourtant cette envie peut être présente. Et il me semble qu’il faut encourager la responsabilisation du détenu.

La médiation carcérale est proposée depuis plus de vingt ans dans des établissements pénitentiaires en Belgique, aux Etats-Unis et au Canada. Quelle place a-t-elle en Suisse?

Nous essayons de la développer. A Genève, nous avons parlé à des personnes ouvertes avec une véritable envie de promouvoir la réinsertion du détenu. Nous travaillons actuellement avec le personnel [de la prison] de la Brenaz. Dans beaucoup d’autres cantons, la médiation carcérale n’est actuellement pas une priorité. En Suisse alémanique, des dialogues restauratifs sont réalisés à la prison de Lenzburg. Ce sont des rencontres entre des groupes de victimes ayant subi un certain type d’infractions et des auteurs ayant commis le même type d’infractions. C’est probablement un peu moins difficile d’accepter de participer, en tant que victime, car on ne va pas rencontrer son propre agresseur. Lors de ces rencontres, il y a de véritables échanges, des métamorphoses de la part des détenus qui réalisent à quel point leur acte a fait du mal. C’est un processus important dans la réinsertion du détenu et pour la reconstruction des victimes.

Avec quels impacts positifs pour les victimes et pour les détenus?

Du coté des victimes, la possibilité d’accéder à ce processus de médiation leur redonne du pouvoir et une possibilité d’avancer. C’est important de comprendre et d’avoir une reconnaissance du statut de victime pour se reconstruire. Concernant les détenus, la médiation leur permet de prendre conscience du mal qu’ils ont fait et d’exister autrement. Ceux qui ont choisi d’avoir recours à ce type de processus avancent souvent l’envie de se réhabiliter, de réparer et d’expliquer à la victime pourquoi ils en sont arrivés là.

Concernant le taux de récidive des auteurs d’infraction, beaucoup d’études ont été réalisées dans le monde. La tendance générale qui ressort de méta-analyses et de la littérature est que la justice restaurative réduit le taux de récidive d’environ 7%. C’est le taux le plus prudent. En réalité, la baisse est probablement de plus de 7% lorsqu’on applique la justice restaurative à des infractions qui supposent de la violence contre des personnes. Dans ces cas-là, il existe un véritable impact car l’auteur prend conscience du mal qu’il a créé.

La médiation pénale peut-elle influer sur la durée des peines?

Avec la médiation carcérale, nous sommes hors de l’enjeu de sanction; le détenu n’a pas la possibilité d’instrumentaliser le processus pour tenter d’obtenir une sanction plus faible.

La question est différente si on envisage la justice restaurative avant le jugement. Une infraction pénale lèse souvent un intérêt privé, l’intérêt de la personne, comme son intégrité corporelle ou sa propriété, mais elle lèse également un intérêt public, comme la sécurité. Si on réalise un processus de justice réparatrice et que, dans ce cadre-là, on a satisfait aux intérêts privés, il ne reste à la justice criminelle qu’à prononcer une sanction pour la lésion de l’intérêt public. L’article 48 du Code pénal prévoit la possibilité de réduire la sanction en cas de repentir sincère. Il serait possible d’appliquer l’art. 53 CP qui prévoit l’exemption de peine en cas de réparation. La médiation carcérale peut avoir une influence sur la durée de la peine, mais indirectement. Si l’auteur fait particulièrement preuve de bonne volonté, entreprend un processus de justice réparatrice et qu’une vraie prise de conscience existe, les personnes dans son entourage carcéral vont probablement envisager de façon plus positive son retour à la vie en société, et donc sa libération conditionnelle.

Avez-vous de l’expérience dans la médiation pénale, avant jugement? Votre point de vue sur le sujet?

Nous essayons de promouvoir la médiation après jugement car, pour la médiation avant jugement, nous avons besoin d’une base légale. C’est donc beaucoup plus difficile. En Suisse, il est possible de faire de la médiation pénale (avant jugement) avec les mineurs. Ce système montre de vrais résultats. Dans le canton de Fribourg, la pratique est courante. Une fois le conflit résolu et la procédure pénale classée, le jeune n’a pas de casier, ni d’antécédent judiciaire. Mais cette solution est sous-utilisée dans les autres cantons.

C’est l’autorité d’instruction qui décide en Suisse de l’opportunité d’entreprendre ou non une médiation selon les dossiers. Souvent, elle considère qu’il ne faut pas envoyer le cas en médiation, peut-être en raison du coût, ou parce qu’elle estime qu’une sanction s’impose. C’est souvent une question de moyens et de volonté politique. A Fribourg, les médiateurs sont salariés et les autorités ont été sensibilisées à la justice restaurative. L’usage est donc beaucoup plus large. Pour les adultes, nous essayons de faire adopter une base légale pour pouvoir aussi proposer la médiation avant jugement.

Quels sont les coûts de la mise en place de la médiation carcérale? Qui finance ces programmes?

AJURES a reçu des dons et nous pouvons donc, depuis début 2018, défrayer nos médiateurs. Nous sommes une association à but non lucratif. Nous ne gagnons pas d’argent sur nos activités et ne coûtons rien aux cantons dans lesquels nous essayons de nous implémenter.

En Suisse, la médiation est la plupart du temps rémunérée à l’heure et le coût horaire dépend des cantons. Dans les cantons qui fixent un tarif horaire, le prix d’un processus de médiation abouti est de l’ordre de 1000 CHF (pour 3 à 5 séances). Cela ne coûte rien ni aux parties, ni aux établissements pénitentiaires. Une étude réalisée en Angleterre montre que, même si on ne réduit que faiblement le taux de récidive, le gain financier est important: le coût de la récidive est si élevé que cela rembourse largement celui de mise en place d’un tel programme.

Quelle est l’attitude des autorités politiques par rapport à la médiation carcérale? Il y a déjà eu des objections fortes de ce côté…

Le climat actuel est à l’exigence du risque zéro. Pour se faire élire, les politiques doivent montrer une certaine dureté à l’égard du crime. Quand on parle de justice restaurative ou de médiation pénale, on imagine l’auteur de l’infraction qui s’excuse et s’en sort favorablement. C’est ce qui ressort dans l’opinion publique. Aussi, quand on arrive avec des propositions comme les nôtres, on est rarement bien reçu parce que ces préjugés existent. A l’opposé, quand on prend le temps d’expliquer nos activités, les gens sont très souvent enthousiastes. En milieu carcéral spécialement, il y a beaucoup de monde à convaincre et il suffit qu’une personne doute pour empêcher la mise en place du projet.

A Genève, le canton s’est donné les moyens de réfléchir et de faire autre chose. On y a vu les limites de la politique extra-sécuritaire, notamment avec la surpopulation carcérale. On ne peut pas continuer à enfermer les gens le plus longtemps possible et faire des sorties sèches. Il faut ouvrir la réflexion, mettre en place d’autres solutions. Cela dit, le nouveau droit des sanctions va plutôt dans l’autre sens. Le message de cette réforme nous montre que, politiquement, le climat n’est pas optimal pour promouvoir la justice restaurative. Mais il suffit peut-être d’un ou deux politiciens courageux pour pouvoir prouver que la justice restaurative fonctionne.

 

Article paru dans le bulletin Infoprisons n°22, mars 2018. A retrouver (version longue) sur www.infoprisons.ch (Extrait de lecourrier.ch du 27/05/2018)

En savoir plus sur https://lecourrier.ch/2018/05/27/la-mediation-carcerale-peine-a-emerger/

Belgique : Quand la médiation en prison permet de dépasser les antagonismes


© Association Dialogues citoyens

« Depuis 1998, l’association Médiante organise en Belgique francophone des médiations restauratrices, rencontres directes entre un auteur d’infraction et sa ou ses victimes. Les médiations peuvent être lancées à tous les stades de la procédure pénale et pour tous types de crimes et délits, en lien avec l’autorité judiciaire. (Dossier Justice restaurative, 7/7)

Antonio Buonatesta, directeur de Médiante, tire le bilan de plus de quinze années d’expériences. Propos recueillis par Marine Tagliaferri, de l’OIP-SF.

La loi de 1994, qui a introduit la médiation pénale en Belgique, en limitait le recours à une alternative aux poursuites pénales pour des faits de moindre gravité. Comment la pratique de la médiation a-t-elle fait évoluer la loi ?

Antonio Buonatesta : Dès le début des années 1990, des médiations menées avec des mineurs en Belgique francophone ont démontré que les victimes pouvaient avoir besoin de dire des choses à l’auteur, quelle que soit la gravité des faits en cause. Dans la partie néerlandophone, l’université de Louvain a entamé des expériences de médiation sur des dossiers qui avaient été renvoyés devant le tribunal, en collaboration avec le parquet et les juges d’instruction. La convergence des résultats de ces différentes expériences de terrain a permis l’émergence, en 1998, d’un projet national visant à développer ces pratiques. La loi de 2005 est une reconnaissance du bilan positif de ce projet. Ces expériences pilotes s’inscrivaient par ailleurs dans un contexte particulier, notamment après l’affaire Dutroux. Les autorités judiciaires ont voulu faire évoluer les pratiques pour une meilleure prise en compte des victimes dans la procédure pénale. Des politiques tournées vers les victimes ont donc été développées, mais indépendamment du processus de justice restauratrice. Le fait que la médiation puisse aussi répondre aux intérêts des victimes ne paraissait pas aussi évident. La vision de la médiation était encore très liée à la médiation pénale, conçue essentiellement pour donner une réponse judiciaire plus adaptée à l’auteur. S’il a été possible d’appliquer la médiation dans des dossiers plus lourds, c’est parce que nous avons pu montrer l’intérêt que la victime peut trouver dans ce processus. Nous l’avons fait notamment dans des affaires très médiatisées, qui avaient suscité l’horreur auprès du public, avec une victime qui a pu exprimer publiquement le bilan positif qu’elle avait retiré du processus de médiation mis en place.

Comment la loi de 2005 redéfinit-elle la pratique de la médiation ?

La grande différence introduite par cette nouvelle loi par rapport à celle de 1994, c’est qu’elle a consacré la médiation comme un service accessible à tous les stades de la procédure judiciaire, et donc y compris en cas de poursuites. Il n’y a plus de limites sur le type d’infraction pouvant donner lieu à un processus de médiation, et tout le monde peut en faire la demande, alors que dans le cadre de la loi de 1994, seul le Procureur du roi pouvait proposer de mettre en place une mesure de médiation. Or nous n’aurions jamais pu organiser des centaines de médiations par an entre détenus et victimes si nous avions dû dépendre de la proposition d’un magistrat. Il n’y aurait jamais pensé.

Médiante met en place des médiations restauratrices depuis plus de quinze ans maintenant. Quel bilan tirez-vous de vos actions aujourd’hui ?

Nous mettons en œuvre entre 1000 et 1200 médiations par an pour l’ensemble des arrondissements francophones, c’est un bilan honorable. 10 % de nos actions concernent des faits de meurtre et 10 % des agressions sexuelles. Cela démontre qu’il y a un vrai besoin de la part des victimes sur des faits particulièrement graves. Malgré cela, nous ne rencontrons pas la collaboration que nous aurions pu attendre au niveau des services d’accueil des victimes. Ils restent encore sur l’idée que la médiation revient à jeter la victime dans les bras de l’auteur. Nous menons tout un travail de sensibilisation mais c’est laborieux. Et cela se traduit dans les chiffre : la majeure partie des demandes de médiation est relayée par des services opérant avec des auteurs, contre seulement 15% de demandes transmises par des services d’aide aux victimes. Nos résultats montrent pourtant bien qu’il y a un besoin inexploré, d’autant que lorsque l’offre de médiation est faite aux deux parties par une instance judiciaire, nous obtenons pratiquement le même taux de réaction de la part des victimes et des auteurs. Sur ce plan, nous nous heurtons à des difficultés en ce qui concerne l’information systématique des parties sur l’offre de médiation. L’expérience avait démontré l’efficacité de l’envoi d’un courrier tant à l’auteur qu’à la victime dès que la décision d’entamer des poursuites pénales était prise. Mais pour des raisons de coût, il a été décidé que ces courriers seraient envoyés en même temps que d’autres, notamment ceux de convocation à l’audience. Cela laisse peu de temps à la médiation pour aboutir à un accord écrit entre les parties.

Ces accords sont-ils pris en compte par les juges quand ils rendent leur décision ?

Dans les premiers temps, on a pu constater que les engagements pris au cours de la médiation étaient généralement transformés en conditions probatoires par le juge au moment de sa décision. C’est plus difficile maintenant d’évaluer l’influence de nos pratiques de médiation sur la décision judiciaire, étant donné que nous avons de moins en moins le temps de finaliser des engagements visibles pour le juge. Mais nous contribuons toujours à l’apaisement entre les parties avant l’audience. Et si ce n’est pas visible au niveau de la décision, cela joue sur la sérénité des débats.

En parallèle, Médiante a initié très tôt la pratique de la médiation carcérale. Comment a-t-elle été reçue par les personnes détenues ?

Les premières expériences en prison ont eu lieu dès 1999-2000, dans le cadre d’un mouvement visant à donner un sens réparateur à la peine. L’offre de médiation carcérale a été bien relayée et l’intérêt de cette pratique s’est rapidement confirmé, avec une demande croissante venant de personnes détenues. Nous observons même maintenant un déséquilibre dans nos pratiques de médiation : lorsque le projet national a été initié, l’essentiel de nos dossiers concernaient des demandes de médiation avant jugement. Mais très rapidement, du fait de ces difficultés d’information des parties avant le jugement, ce sont les demandes de médiation en milieu carcéral qui ont pris le pas.

Les personnes détenues sont-elles encouragées à participer à une mesure de médiation ?

Pour que la victime trouve son intérêt dans cette pratique, il est important qu’il n’y ait pas de bénéfices automatiques pour les détenus, afin de ne pas exacerber le problème délicat de la sincérité de la démarche. Le détenu est en effet souvent pris dans une double contradiction : s’il fait ce pas envers la victime, il sera accusé d’opportunisme. S’il ne le fait pas, il sera identifié comme manquant d’empathie. Quand nous mettons en oeuvre une médiation entre une personne détenue et sa ou ses victimes, nous rappelons donc qu’il n’y a pas d’enjeu prédéfini et nous n’effectuons pas de sélection des dossiers, par exemple en s’interrogeant sur la sincérité de l’auteur. Nous demandons simplement à l’auteur d’être réceptif aux attentes de la victime.

Pourquoi cet accent sur les attentes de la victime ?

Nous avons dû faire évoluer notre approche de la victime, avec la difficulté première de lever son appréhension, particulièrement quand la demande de médiation vient de l’auteur. Nous avons identifié deux besoins fondamentaux des victimes : avoir réponse à des questions auxquelles le procès n’avait pas répondu, et exprimer des sentiments assez durs, douloureux qu’elles n’ont pas pu exprimer pendant le procès. Notre démarche est donc davantage orientée vers l’identification des attentes de la victime. Le processus peut sembler quelque peu déséquilibré mais il se fonde sur le constat que, pour toute une série de facteurs, l’auteur perçoit plus immédiatement l’intérêt d’une médiation. Il peut assez facilement exprimer sa disponibilité au dialogue, mais il aura beau vouloir s’expliquer sur certaines choses, il faut encore que la victime accepte qu’il puisse s’en expliquer. Si elle n’est pas intéressée par les informations que l’auteur peut lui fournir, la médiation n’a pas lieu – il faut qu’il y ait une convergence d’intérêts.

Cette médiation permet donc surtout à la victime d’avoir réponse à ses questions et d’exprimer ses émotions. A-t-elle d’autres intérêts ?

Ces échanges peuvent aussi permettre d’aborder des questions pragmatiques, comme les modalités d’indemnisation. La victime, après avoir eu réponse à ses questions, avoir été rassurée sur ce qui la préoccupait chez l’auteur, peut accepter un échelonnement des paiements ou renoncer aux intérêts. Il y a donc une sorte d’incidence sur la décision judiciaire, en érodant parfois les aspects trop sévères de la condamnation civile. Nous nous sommes aussi rendu compte qu’elle répondait à un autre besoin, tout aussi fondamental, que nous n’anticipions pas, à savoir la crainte de la victime à l’approche de la libération de l’auteur. Après l’affaire Dutroux, les autorités judiciaires ont voulu prendre en compte la crainte de la libération de l’auteur par la victime, en essayant d’intégrer ses attentes dans les conditions de libération. Or, ces mesures avaient de nombreux effets pervers. Apprendre que l’auteur va être libéré est générateur d’angoisse. La victime considère généralement, surtout en cas de faits très graves, que l’auteur ne devrait jamais sortir. Elle a tendance à poser des conditions très dures pour encadrer la libération de l’auteur, par exemple en termes de périmètre de sécurité. Or, de telles conditions peuvent se retrouver en contradiction avec le projet de réinsertion de celui-ci. On assiste finalement à une polarisation des positions, entre les craintes de la victime et le projet de libération de celui-ci.

La médiation atténue-t-elle cette polarisation ?

En effet. En offrant une possibilité de dialogue entre les deux parties, nous parvenons à gérer de manière beaucoup plus apaisée cette contradiction. La victime est mise au courant du projet de réinsertion de l’auteur, elle peut en tester la pertinence, sa sincérité, et elle sera moins angoissée au moment de la libération de l’auteur. Si elle demande un périmètre au sein duquel il ne pourra pas circuler, ce ne sera pas un périmètre de sécurité mais un périmètre de confort. Elle pourra convenir de conditions de libération beaucoup plus tolérantes que si elle avait été sollicitée individuellement pour faire part de ces conditions. J’ai l’exemple de cette fois où un père a rencontré le meurtrier de son fils. Il est apparu que le grand-père du meurtrier était dans le même cimetière que le fils de la victime. Il était évidemment hors de question qu’ils se rencontrent au cimetière. Mais tous deux étaient d’accord pour convenir de conditions d’évitement, raisonnées et raisonnables, et compréhensibles pour le détenu. Un détenu ne peut comprendre qu’on l’empêche de circuler à 100 km de la victime alors qu’il a potentiellement toutes ses opportunités de réinsertion dans ce secteur. Par contre il peut comprendre, dans ce cas-ci, qu’il ne peut pas se rendre au cimetière le jour où le père de la victime s’y rend.

Les autorités judiciaires sont-elles favorables à de tels accords ?

Quand nous aboutissons à des accords entre le détenu et la victime, ils sont mis à l’écrit et transmis au tribunal d’application des peines. Ils peuvent être traduits en conditions de libération conditionnelle, avec l’avantage que celles-ci ont été établies de manière concertée : elles seront logiquement bien reçues par la victime et davantage respectées par l’auteur. Cet accord de médiation au stade de l’exécution de la peine est donc très bien perçu par les tribunaux d’application des peines, pour lesquels ces situations de polarisation étaient compliquées à gérer puisqu’ils devaient perpétuellement choisir entre le plan de réinsertion de l’auteur et les exigences des victimes. Au final, c’est au sein des prisons que la pertinence de la médiation est perçue avec le plus d’intérêt. C’est un peu frustrant car la multiplication des dossiers de médiation carcérale a absorbé nos maigres moyens et nous n’avons plus eu le temps d’appuyer la circulation de l’information sur la médiation avant le jugement. Pour nous, l’enjeu maintenant est de développer réellement et de consolider la pratique de la médiation avant jugement.


En Belgique, les premières expériences de médiation ont été mises en place dans les années 1990, à destination de délinquants mineurs. La médiation dite pénale est ensuite introduite dans la justice des adultes par la loi du 10 février 1994. Elle n’y est alors défi nie que comme une alternative à l’action en justice et reste limitée aux faits de moindre gravité. À la même période, des associations belges démontrent cependant la pertinence de la médiation auteurvictime quelle que soit la gravité des faits, à travers des expériences de terrain dans le cadre d’un projet national. À leur suite, des initiatives visant à promouvoir la justice restauratrice en milieu carcéral voient le jour. Les résultats positifs de ces expériences sont entérinés par la loi du 22 juin 2005, qui permet l’ouverture d’une mesure de médiation à tous les niveaux de la procédure pénale, quelque soient les faits reprochés à l’auteur. Cette nouvelle approche est qualifi ée de médiation « restauratrice ». (Extrait de blogs.mediapart.fr du 21/02/2017)

En savoir plus sur https://blogs.mediapart.fr/observatoire-international-des-prisons-section-francaise/blog/210217/quand-la-mediation-en-prison-permet-de-depasser-les-an

Dossier Vie Publique sur la politique pénitentiaire : les mesures alternatives à la prison


Vie publique - au coeur du débat public

« Les peines de substitution à la prison

Le code pénal met à la disposition du juge plusieurs peines alternatives à la prison dites aussi « de substitution » ou « de remplacement ». Ces peines concernent les auteurs de délits et non de crimes. Elles visent notamment à prévenir le risque de récidive, le caractère désocialisant de l’incarcération et le surpeuplement des prisons.

Il en existe plusieurs. Les premières peines alternatives datent des lois du 11 juillet 1975 et du 10 juin 1983 : il s’agit des peines restrictives ou privatives de droits (restrictions affectant le permis de conduire, etc.), du travail d’intérêt général (TIG) et des jours-amende. Dans les années 2000, deux nouvelles peines sont instituées : le stage de citoyenneté par la loi du 9 mars 2004 et la sanction-réparation par la loi du 5 mars 2007.

En 2013, la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, initiée par la garde des Sceaux, et les auteurs d’un rapport parlementaire sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale préconisent une nouvelle peine alternative. Cette préconisation, également défendue par des spécialistes du monde pénitentiaire, aboutit à la création de la peine de contrainte pénale par la loi du 15 août 2014 dite « loi Taubira » sur l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. La contrainte pénale s’inscrit dans la droite ligne des règles européennes relatives à la probation, adoptées par le Conseil de l’Europe le 20 janvier 2010. Elle est applicable aux auteurs de délits passibles de 5 ans maximum de prison. A compter du 1er janvier 2017, elle concernera tous les auteurs de délits punis d’une peine de prison. L’article 131-4-1 du code pénal qui la définit prévoit qu’elle « emporte pour le condamné l’obligation de se soumettre (…) à des mesures de contrôle et d’assistance ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières » (à savoir celles du sursis avec mise à l’épreuve ou l’obligation d’effectuer un TIG ou l’injonction de soins).

Toutefois, malgré le principe énoncé par la loi pénitentiaire de 2009 et réaffirmé par la loi « Taubira » de 2014 selon lequel l’emprisonnement doit être le dernier recours en matière correctionnelle, les peines alternatives prononcées par les juges sont rares. L’emprisonnement reste la peine correctionnelle de référence avec l’amende. Ainsi, sur l’ensemble des condamnations prononcées en 2014 en matière de délits, 11,3% seulement sont des peines alternatives contre 50,8% pour les peines de prison et 32,8% pour les amendes. La contrainte pénale, entrée en vigueur le 1er octobre 2014, est aussi pour l’instant peu utilisée. Depuis deux ans, 2 287 mesures ont été prononcées alors que l’étude d’impact du projet de loi en escomptait 8 000 à 20 000 par an. La moitié des contraintes pénales prononcées l’ont été par 24 tribunaux correctionnels. Dans le même temps, 11% des tribunaux correctionnels n’en ont octroyé aucune. Dans son rapport du 21 octobre 2016 sur l’application de la loi « Taubira », le garde des Sceaux considère que l’extension du champ d’application de la contrainte pénale à tous les délits au 1er janvier 2017 devrait permettre son essor. En revanche, il juge inopportun, comme l’avait envisagé le législateur en 2014, de sanctionner certains délits d’une contrainte pénale à titre de peine principale en supprimant la peine de prison encourue. (Extrait de vie-publique.fr du 14/12/2016)

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