« Est-il possible de mettre face à face une victime et son bourreau pour espérer un dialogue, sans juges, sans avocats et sans procureur ? Le concept de « justice restaurative » en est à ses balbutiements en Suisse. Dans le canton de Vaud, un projet pilote vient d’être mis en place, sous la houlette du Swiss RJ Forum. Linn Levy reçoit l’avocate Lorella Bertani et le vice-président de l’Association pour la justice restaurative en Suisse, Jean-Marc Knobel » (Extrait de rts.ch du 20/01/2021)
La justice restaurative: une réponse de réparation entre victimes et auteurs d’infractions pénales
La procédure proposée, tant en amont qu’en aval d’un procès, répond aux critères d’un système de justice moderne et d’une approche nouvelle en matière de réparation des préjudices causés par une infraction. Elle est un complément et ne remplace pas les poursuites ou le procès. Elle peut d’ailleurs débuter à n’importe quel moment, avant, pendant, après le procès voire au cours de l’exécution de la peine.
La mesure de justice restaurative consiste à proposer un échange pouvant aboutir ou non à une rencontre volontaire et encadrée entre la victime et l’auteur. L’objectif est de permettre la réparation du préjudice subi par la victime et à l’auteur de le responsabiliser et ainsi d’éviter la récidive.
Le « service de justice restaurative » est un espace de communication qui, selon les situations, peut permettre:
Des échanges d’informations et/ou la négociation d’engagements personnels susceptibles d’apporter clarification et apaisement;
La négociation d’une forme de réparation ou de dédommagement;
L’expression d’émotions dans des faits graves où la réparation au sens strict n’est pas concevable ou ne suffit pas.
Ces mesures sont suivies et évaluées par le parquet.
Afin d’éviter toute confusion, il convient de distinguer les notions de justice restaurative et de médiation pénale. La médiation pénale constitue une voie alternative aux poursuites pénales, alors que la justice restaurative est une mesure complémentaire qui peut être mise en œuvre indépendamment de la gravité des faits (contraventions, délits ou crimes).
Le facilitateur
Le ministère de la Justice, en collaboration avec le « Competence Center » de l’Université du Luxembourg et l’association belge « Médiante ASBL », a lancé une formation-pilote permettant à dix candidats présélectionnés de devenir facilitateur en justice restaurative.
Les facilitateurs interviendront en tant que vacataires au sein du nouveau « Service de justice restaurative » hébergé par le Centre de médiation. Ce dernier offre un cadre confidentiel et neutre, propice à l’instauration d’un dialogue entre l’auteur et la victime de l’infraction. Le Centre est également chargé de la pratique professionnelle, des principes, méthodes et outils de justice restaurative à mettre en place dans le cadre du projet-pilote soumis à un comité composé de représentants du ministère de la Justice et des responsables du Centre de médiation.
Le rôle du facilitateur est de faciliter, de manière équitable et impartiale, la participation des parties au processus de réparation. Il accompagne les parties tout au long de la procédure restaurative et leur permet de discuter de manière directe ou indirecte des faits et de ses conséquences et de la manière dont ces conséquences sont vécues.
« Tournée vers l’avenir, la justice restaurative contribue à responsabiliser l’auteur et à offrir à la victime et à son environnement social une reconnaissance des blessures et des souffrances, une réparation des répercussions et des préjudices résultant de l’infraction et le rétablissement de la paix sociale.
Un vrai pluralisme judiciaire est-il possible ? Différents modèles de justice peuvent-ils coexister ? Comment promouvoir, à côté d’une culture répressive, une culture restaurative ?
Pour répondre à ces questions, la journée d’étude du 22 mai 2019 à l’Université Lyon 2 a réuni des témoins et acteurs d’expériences de justice restaurative menées en France et en Europe. Ils ont nourri la réflexion et ouvert des perspectives pour contribuer au développement de la justice restaurative.
Janie Bugnion, médiatrice pénale et civile assermentée agréée par le Ministère public et le Tribunal des mineurs de Genève , médiatrice pour le parquet du tribunal judiciaire de Paris, administratrice de l’Association nationale des médiateurs (ANM), enseignante spécialiste de la justice restaurative, a coordonné l’organisation de cette journée d’étude et la publication des actes. (Extraits de medias-mediations.fr)
La journée d’étude du 22 mai 2019 et la publication de cet ouvrage ont reçu le soutien de la Faculté de droit Julie – Victoire Daubié de l’Université Lumière Lyon 2, de l’équipe d’accueil Droits, Contrats, Territoires et de l’Association nationale des médiateurs (ANM).
Ce colloque se déroulera autour de quatre axes principaux. Le premier axe interroge la construction socio-historique et paradigmatique de la Justice restaurative, en France et au-delà de nos frontières. Le deuxième axe propose une cartographie des pratiques de la justice restaurative en France afin de mieux comprendre son appropriation, son intégration, son développement et ses répercussions. Le troisième axe interroge les enjeux de formation en justice restaurative et les processus de professionnalisation qu’elle sous-tend. Enfin, en questionnant ses perspectives et ses évolutions possibles dans différents contextes, le quatrième axe sera l’occasion de penser la justice restaurative de demain. (Extrait de enap.justice.fr)
Résumé
Dans les sociétés occidentales, quand on évoque la question de la régulation des conflits ou plus largement des troubles, ce sont surtout les modes de régulation pénale qui sont considérés comme les plus aptes à gérer la plupart de ces situations et à assurer la cohésion de la vie collective. Or, plusieurs recherches ont souligné que le système juridico-pénal réglait en fait très peu de situations conflictuelles. Malgré cela, la société continue à « tenir ensemble » en dépit des conflits qui la traversent. Partant de ce double constat, le présent chapitre s’interroge sur la permanence et les conditions d’existence d’autres modes de définition et de régulation des troubles qui contribueraient à maintenir la cohésion sociale sans en appeler nécessairement à une intervention extérieure ou institutionnelle. Ces modes de régulation continueraient à fonctionner dans la société mais resteraient largement occultés par la force du discours pénal.
MOTS CLEFS : troubles ; conflits ; régulation sociale ; régulation pénale ; force aveuglante du droit pénal ; pluralisme juridique
Résumé : Cet article vise à explorer et questionner les modèles de justice restauratrice et, pour ce faire, à les analyser en recourant au modèle de socialité vindicatoire. Ce modèle est vu ici à titre heuristique, comme un modèle de régulation actif dans les rapports sociaux, uniquement perceptible au niveau de l’action et adapté aux caractéristiques d’une société étatisée, centralisée et organique. Procéder à une telle analyse aide à faire ressortir et à réaffirmer certaines valeurs fondamentales de l’approche restauratrice, valeurs qui, selon plusieurs études empiriques, sont quelquefois édulcorées ou passées sous silence lors de leur mise en application. Poser un regard différent sur l’approche restauratrice et en faire ressortir les facettes vindicatoires conduit au final à interroger la place occupée par la justice restauratrice dans les modes de régulation contemporains. (Extrait de journals.openedition.org)