
Au cœur de l’impasse politique française actuelle, ce qui frappe les médiateurs que nous sommes, c’est la difficulté à reconnaître que nous faisons face à un conflit majeur. Chaque jour, des positions antagonistes se cristallisent. Dans les médias comme à l’Assemblée nationale, le désaccord n’est plus un espace de débat, mais un champ de confrontation où chacun cherche à disqualifier l’autre autant qu’à défendre ses convictions.
Ce que beaucoup nomment «crise» – comme s’il s’agissait d’un état passager – a pourtant toutes les caractéristiques d’un conflit : affaiblissement de la reconnaissance mutuelle, manque de confiance et enfermement dans des logiques de camp.
Et la situation présente tous les marqueurs d’un conflit collectif dur : désaccord sur le pouvoir et la légitimité, émotions collectives fortes (méfiance, colère), tentatives de dialogue souvent plus stratégiques que sincères, et refus partagé d’assumer sa part de responsabilité.
Parler de «crise», de «blocage» ou de «fracture», c’est éluder cette responsabilité commune .Nous comprenons que étant pris entre tensions internes, affrontements interpartis et attentes de leurs électeurs, les élus et les responsables politiques peinent à maintenir un dialogue constructif. Pourtant, nos expériences montrent que la médiation, en offrant un espace sécurisé et la présence d’un tiers neutre et impartial, permet d’échanger sans perdre la face et d’ouvrir des issues possibles. (Extrait liberation.fr du 21/10/2025)
Tribune à consulter sur https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/et-si-la-mediation-pouvait-sortir-la-france-de-limpasse-20251021_PFF3LPZ5SFCJFCTHIFODM3RUEY/
Texte de la tribune transmis par Jacques Salzer, un des signataires
Au cœur de l’impasse politique française actuelle, ce qui frappe les médiateurs que nous sommes, c’est la difficulté à reconnaître que nous faisons face à un conflit majeur. Chaque jour, des positions antagonistes se cristallisent. Dans les médias comme à l’Assemblée nationale, le désaccord n’est plus un espace de débat, mais un champ de confrontation où chacun cherche à disqualifier l’autre autant qu’à défendre ses convictions.
Ce que beaucoup nomment «crise» – comme s’il s’agissait d’un état passager – a pourtant toutes les caractéristiques d’un conflit : affaiblissement de la reconnaissance mutuelle, manque de confiance et enfermement dans des logiques de camp.
Et la situation présente tous les marqueurs d’un conflit collectif dur : désaccord sur le pouvoir et la légitimité, émotions collectives fortes (méfiance, colère), tentatives de dialogue souvent plus stratégiques que sincères, et refus partagé d’assumer sa part de responsabilité.
Parler de «crise», de «blocage» ou de «fracture», c’est éluder cette responsabilité commune.
Nous comprenons que étant pris entre tensions internes, affrontements interpartis et attentes de leurs électeurs, les élus et les responsables politiques peinent à maintenir un dialogue constructif. Pourtant, nos expériences montrent que la médiation, en offrant un espace sécurisé et la présence d’un tiers neutre et impartial, permet d’échanger sans perdre la face et d’ouvrir des issues possibles.
Reconnaître sa part de responsabilité et écouter l’autre
Ses principes sont simples : reconnaître sa part de responsabilité, écouter l’autre et rechercher une sortie mutuellement acceptable. Trois conditions suffisent pour initier le processus : accord sur les médiateurs (ou sur un comité impartial chargé de les mobiliser), objectifs clairs et méthode acceptée par tous, et engagement sincère de chaque partie.
Nous pratiquons cette méthode chaque jour dans des conflits sociaux, familiaux, de voisinage, et même internationaux. En France, législateur et magistrats encouragent son utilisation dès lors qu’une solution commune est possible et souhaitable. Et la médiation collective contribue déjà à résoudre des différends et à relancer les processus décisionnels au sein des collectivités locales.
Pourtant, elle reste largement absente de la sphère politique nationale, alors même que la violence verbale et symbolique s’y banalise et que de nombreux débats à venir s’annoncent particulièrement tendus.
Le projet de loi de finances 2026 promet des affrontements, notamment autour de la fiscalité des plus riches, de la transition écologique et du pouvoir d’achat, des sujets à la fois chargés de valeurs et fortement liés à l’identité politique des différents groupes.
Dans ce contexte, la médiation pourrait intervenir par des manières complémentaires : en amont, au sein des commissions parlementaires pour clarifier les objectifs de chaque groupe et anticiper les points de friction ; ou en cas de blocage avéré en cours de discussion, à la demande des parties, pour désamorcer les tensions et rétablir un cadre propice à des échanges constructifs.
La relation, enjeu central
En tant que médiateurs, notre sujet, c’est la relation. La médiation ne vise pas seulement une solution à un problème, mais la reconstruction d’un lien, d’une capacité à interagir sans s’abîmer, voire à collaborer de nouveau malgré les désaccords.
Or, en observant l’extrême difficulté des acteurs politiques à s’écouter, à se parler autrement qu’à travers le prisme de la confrontation, une inquiétude plus profonde s’impose : la relation qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est celle entre les citoyens et le monde politique.
Les postures de rejet et la perte de respect mutuel menacent la cohésion sociale et l’engagement démocratique. Quand la parole politique ne parvient plus à relier, elle fragilise le socle même de notre vivre-ensemble.
Aucune sortie durable de ce conflit ne viendra de la défaite de l’un ou de l’usure de l’autre. Elle exige un retour à la responsabilité partagée et à l’écoute dans le dialogue.
La médiation offre un cadre propice : elle ne gomme pas les oppositions ni n’impose de compromis artificiel, mais recrée un désaccord fructueux, où chacun garde ses convictions tout en ouvrant un espace pour de nouvelles voies de passage.
Si une rupture sur le fond des problèmes reste l’affaire des décideurs, nous proposons une rupture sur la méthode et restons collectivement à leur disposition.
Signataires : Eric Blanchot Directeur général de Promédiation ; France Charlet Médiatrice ; Gabrielle Planès ; Présidente d’honneur de l’Association nationale des médiateurs et présidente de Promédiation ; Jacques Salzer Spécialiste de la communication interpersonnelle et entre organisations, des conflits et de la médiation, en France et à l’international et Dominique Weber Présidente de l’Association nationale des médiateurs.
