« Pour une offre de justice plurielle
En janvier 2023, une politique ambitieuse pour développer le recours à l’amiable dans la résolution des différends (MARD) a été lancée par le gouvernement. Les principales mesures ont été présentées par le garde des Sceaux en clôture du premier colloque sur la justice amiable qui a eu lieu le 17 octobre 2023 à la cour d’appel de Paris et qui s’est décliné tout au long de l’année 2024 en matière économique, sociale, familiale ainsi que sur les nouveaux dispositifs. Les référentes de la conciliation et de la médiation pour l’ensemble du ressort de la Cour d’appel nous présentent leurs actions dans la mise en œuvre de cette politique.
Si la volonté de développer une politique de l’amiable existe depuis 1995, son application varie selon les juridictions et les magistrats. Un état des lieux réalisé en 2023 au sein de la cour d’appel a mis en lumière la diversité des pratiques au cœur des pôles civils, social, commercial et familial. Comme l’explique Sophie VALAY-BRIÈRE, première présidente de chambre, coordinatrice du pôle 4 et coordinatrice de la conciliation et de la médiation pour l’ensemble du ressort de la cour d’appel : « Nous nous sommes rendues compte à cette occasion que les pratiques étaient très diverses. Tout reposait sur des magistrats et des fonctionnaires qui y croyaient et qui étaient plus ou moins investis dans la médiation. » Une démarche d’harmonisation a donc été lancée au sein de la cour d’appel.
Des outils pour uniformiser les pratiques
Un groupe de travail, composé de magistrats et fonctionnaires, piloté par Sophie VALAY-BRIÈRE a élaboré des outils concrets : trames de décisions, modèles d’injonction et tableaux de suivi statistique. « Il était crucial de structurer notre approche et d’assurer une cohérence entre les pôles civils, social, familial et économique » commente-t-elle. Viviane SZLAMOVICZ, conseillère à la cour d’appel de Paris, et référente de l’audience de règlement amiable (ARA) sur la cour d’appel, ajoute : « un tableau Excel regroupe toutes les données dont la Chancellerie a besoin… On a déterminé nos besoins et c’est madame SEBASTIEN, DSGJ du pôle 4, qui l’a mis en forme. » La partie la plus fastidieuse reste ensuite d’entrer les données manuellement dans les tableaux car rien n’est automatisé.
Les outils créés ont été diffusés à l’ensemble des pôles civils de la cour d’appel. Des réunions avec leurs représentants ont permis de promouvoir une certaine cohérence tout en respectant les spécificités de chaque pôle. L’initiative a également permis de structurer la collecte des données pour évaluer l’impact des MARD. En effet, aucun outil national ne permet d’analyser leur efficacité. Désormais, un tableau statistique est mis en place pour recenser le nombre d’injonctions à la médiation, d’ordonnances de médiation, d’accords obtenus et d’autres indicateurs clés. « Il faut pouvoir mesurer notre action pour l’améliorer », observe Sophie VALAY-BRIÈRE.
Favoriser l’adhésion à la politique de l’amiable
Un autre défi repose sur la sensibilisation des acteurs du droit. Longtemps réticents, certains avocats craignaient que la médiation ne réduise leur rôle. Or, une meilleure intégration des avocats dans le processus, notamment en leur garantissant une place aux côtés de leurs clients en médiation, a permis de lever ces freins. « Lorsqu’un accord est trouvé, c’est une victoire pour toutes les parties, y compris les avocats », remarque Viviane SZLAMOVICZ. Victoria RENARD, greffière à la chambre 4-13 et référente médiation pour le greffe du pôle 4, ajoute que le greffe joue un rôle essentiel dans le processus de médiation : « Les greffiers, sont en contact direct avec les parties et les avocats, ils reçoivent leurs appels et questions. Ce travail de proximité permet d’assurer le suivi des médiations et de recueillir les retours de chacun. »
Un premier bilan permet de noter que les affaires familiales, les litiges entre employeurs et salariés ou copropriétaires, et les différends locatifs se révèlent particulièrement adaptés à ce mode de règlement, car les parties doivent maintenir des relations au-delà du litige. En effet, « des parents qui se séparent, des copropriétaires ou un bailleur et son locataire ont tout intérêt à préserver le dialogue… » précise Nathalie BRET, conseillère à la cour d’appel de Paris, magistrate co-coordinatrice de la médiation et de la conciliation. Elle souligne également que « en appel, la médiation se développe car les parties disposent d’une nouvelle base de discussion, le jugement ». À travers la médiation, la conciliation ou l’audience de règlement amiable, l’objectif est de proposer des solutions plus rapides et pertinentes aux parties en conflit. « Ce n’est pas seulement une alternative, mais une nouvelle manière d’envisager la justice, permettre aux parties de se réapproprier leur litige en vue d’une solution rapide, qui leur convienne, tout en protégeant leurs intérêts », explique-t-elle. »
Si les résultats restent à affiner, l’enthousiasme des magistrats et des professionnels engagés témoigne d’un changement profond. En offrant des solutions adaptées et humaines, la justice amiable s’impose comme un complément essentiel à la justice traditionnelle. Avec le développement à titre expérimental de l’ARA en cour d’appel et la multiplication des formations, la culture de l’amiable semble désormais solidement ancrée dans le paysage judiciaire. »
Source : Romain CARAYOL Romain Avocat (Médiateur – Arbitre – Formateur) https://www.linkedin.com/search/results/all/?fetchDeterministicClustersOnly=true&heroEntityKey=urn%3Ali%3Afsd_profile%3AACoAAAKlRTUB2_yeZSpClb8Nxd3jBnrsAWTnwzY&keywords=romain%20carayol&origin=RICH_QUERY_SUGGESTION&position=0&searchId=631dbdc9-568b-466c-aa16-729a56140fdc&sid=nhW&spellCorrectionEnabled=false