Livre : « Médiations environnementales. Pour construire un monde commun» Nicolas Le Méhauté, Eres-trajets, 396p., 2022


Dans ce contexte particulier de crise climatique, de pandémie, de dégradation de la biodiversité… on peut espérer que la publication de l’ouvrage de Nicolas Le Méhauté consacré aux médiations environnementales permettra de mieux prendre en considération, non seulement, les crises sociales, économiques, mais surtout écologiques que connaissent nos sociétés depuis des années. En effet, à l’image des difficultés rencontrées par les différentes COP sur le climat pour prendre en considération les recommandations du GIEC pour lutter contre le réchauffement climatique, la médiation environnementale dans tous les pays a du mal à se développer et représente le « parent pauvre » de la médiation.

Ce constat est particulièrement souligné par l’auteur dans la partie introductive de son ouvrage où il dresse un « panorama de la médiation environnementale » (p.19) en rappelant que la médiation environnementale s’est surtout développée aux États-Unis et au Canada. En France ce type de médiation est « relativement confidentiel » (p.27) et l’on parle plus de « dialogue, de concertation, de facilitation, de participation ou de délibération » (p.27). Il souligne à juste raison que malgré les années qui passent, il continue à exister un « flou sémantique » autour des pratiques de médiations environnementales. Sur ce point, un des intérêts de cet ouvrage est la bonne connaissance du sujet par l’auteur qui cite de nombreux travaux, ouvrages à l’appui de sa démonstration, non seulement francophones mais aussi anglophones, comme le démontre l’importante bibliographie. C’est aussi un ouvrage très pédagogique, car l’auteur étaye ses démonstrations de cas pratiques ce qui le rend très vivant et pratique.

L’ouvrage de Nicolas Le Méhauté est une véritable somme et il est difficile de résumer en quelques lignes plus de 396 pages et dans la première partie, je mettrai plus particulièrement en avant son effort de clarification sur le plan sémantique pour distinguer la médiation des différentes formes participatives de gestion des conflits. En effet, le domaine environnemental n’échappe pas à la confusion que l’on retrouve dans beaucoup d’autres champs, entre les notions de médiation, de négociation, de dialogue… Et celle-ci est même aggravée en raison de la place de l’État, notamment en France, qui se présente le plus souvent comme le défenseur de l’intérêt général face aux intérêts privés, et limite les procédures de gestion des conflits à des formes de simples concertations et non de médiation. Cette situation explique la quasi-absence des processus de médiation et la difficulté pour les promoteurs de ce type de gestion des conflits de pouvoir les développer et de se limiter à des modes parallèles comme le « dialogue territorial » ou la « méthode de construction du consensus » (p.105). L’auteur a une bonne connaissance de ces processus, notamment du « dialogue territorial » qu’il présente comme « un modèle de médiation environnementale orientée vers la relation » (p.106). Il le fait avec un certain sens pédagogique en illustrant la présentation de ces modèles de gestion des conflits par des cas pratiques comme celui de médiation de projet dans les calanques de Marseille.

C’est la deuxième partie de l’ouvrage intitulée « Intérêt général et environnement au risque de la médiation ? » (p.155) qui me paraît la part la plus novatrice de l’ouvrage, car elle démontre la spécificité de la médiation environnementale par rapport aux autres domaines de la médiation. En effet dans ce type de médiation, on quitte la notion de conflits inter-individuels pour aborder celle de groupe avec la question de la détermination des acteurs devant participer à ce processus et surtout celle de leur représentation  notamment dans les cas où il y a une multiplicité d’acteurs concernés comme dans le cas de la création d’une ligne LGV, d’implantation d’éoliennes… Pour surmonter ces difficultés, l’auteur donne des outils comme celui du « consensus building » (p. 163) et il souligne aussi les contradictions à surmonter par le ou les médiateurs entre les principes de « confidentialité » et de « transparence » dans la conduite du processus de médiation (p.166). Mais c’est la partie consacrée aux « absents, c’est-à-dire la place accordée à « l’environnement » et aux « vivants non humains » qui est la plus novatrice, car elle pose la question de savoir comment associer « la nature » comme partie prenante au processus de médiation. Il remet en cause, à juste raison, cette  « vison instrumentales et anthropocentriste d’une nature-objet » (p.184) en rappelant que les premières consécrations des droits de la nature ont été opérées au sein d’États peuplés par des communautés autochtones comme en Équateur ou Bolivie. Comme il le souligne, « la reconnaissance de la nature comme entité autonome » devrait nous amener à « considérer la crise actuelle comme une crise de lien et à voir la médiation environnementale sous un jour nouveau » (p.186). Cela devrait nous amener, comme l’indique Nicolas Le Méhauté à « imaginer une médiation avec la nature », à considérer « la nature comme un autre , ce qui implique « un profond changement de culture concernant notre rapport d’altérité au monde qui nous entoure » (p.191).

Dans une autre partie de son ouvrage, l’auteur aborde la question du pouvoir en matière de médiation environnementale et notamment celle de l’asymétrie des pouvoirs entre les différents participants au processus de médiation (p.201). Généralement, cette question est peu abordée dans les ouvrages de médiation et elle fait l’objet de critiques de la part des opposants à ce mode de gestion des conflits qui dénonce la médiation comme un « instrument de manipulation » en « mettant en avant la reproduction des rapports de domination au sein de l’arène de discussion » (p .204). Pour tenter de répondre à ces critiques, Nicolas Le Méhauté met en avant le positionnement que devrait adopter le médiateur pour gérer ces asymétries de pouvoir et tenter de rééquilibrer les pouvoirs. Il le fait à partir d’analyses de travaux et d’étude de cas où il montre les tensions que doit gérer le médiateur entre différents principes : « le principe de neutralité versus principe d’équité » ou encore « le médiateur neutre versus médiateurs « responsable » pour gérer ces déséquilibres de pouvoirs (p.213). Ces questions ne se posent pas que dans le cas de la médiation environnementale, on les retrouve en matière de médiation dans les relations de travail où le salarié se trouve sous la subordination juridique de son employeur, ou encore en matière de consommation entre le client et le professionnel… Et on serait tenté de dire que la très grande majorité des relations sociales sont caractérisées par des asymétries de pouvoir et au lieu de mettre à l’index la médiation comme instrument de reproduction des inégalités, il conviendrait de les prendre en considération. C’est ce que propose l’auteur en mettant l’accent sur « l’intention transformative des modèles de médiation orientés vers la relation » qui pourrait être perçue comme « une tentative de dépasser les limites imposées par le jeu de rapports de forces (p.218).

On peut regretter que dans sa troisième partie, Nicolas Le Méhauté, ne soit pas plus incisif pour proposer, notamment en France, un modèle de médiation environnementale qui ne soit pas qu’une forme d’hybridation des pratiques de concertation. Il ne s’agit pas de dénigrer les processus de concertation, mais de faire une véritable place à la médiation dans nos sociétés, y compris dans sa dimension environnementale, car celle-ci est trop marginale . Pour avancer dans cette refondation de la médiation, il est nécessaire de sortir, comme nous l’encourage Nicolas Le Méhauté, des paradigmes traditionnels et de redéfinir les relations entre l’État la société civile et la nature, c’est-à-dire de permettre aux citoyens de se réapproprier leur vie sociale mais aussi leur environnement. En effet, la médiation constitue une opportunité pour que les citoyens se donnent les moyens, de redéfinir, les règles de vie en commun et ceci dans le respect de l’environnement. Cette démarche permettrait ainsi d’une manière graduelle d’élaborer et de faire évoluer au jour le jour, ce que l’on pourrait appeler un nouveau « pacte socio-environnemental », car celui du « bien-vivre ensemble » n’est plus suffisant pour faire face aux crises sociales et climatiques. Et cela implique comme le souligne Nicolas Le Méhauté « un profond changement de culture » et son ouvrage est une invitation à le faire… et on ne peut qu’en conseiller sa lecture.

J-P BONAFE-SCHMITT

Lettre des Médiations

Le 10/01/2023

Table-ronde : “Médiations environnementales”, le jeudi 2 février 2023 à l’Université de la Rochelle


« A l’occasion des 10 ans du Diplôme d’Université Médiation et Règlement des conflits, les responsables de la formation s’associent à l’équipe de la chaire Participations Médiation Transition citoyenne pour vous proposer une table ronde sur le thème des Médiations environnementales.

Le domaine de l’environnement conduit-il à envisager la médiation autrement ? Quelles formes peuvent prendre les médiations environnementales ? Nous amènent-elles à repenser les liens entre médiation, participation et négociation ?

Quatre intervenants aborderont ces questions:

  • Nicolas Le Méhauté, médiateur des dispositifs de concertation multi-acteurs sur les questions d’environnement. Fondateur des “Ateliers du Dialogue”. Garant de la concertation auprès de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP).
  • Marie Eraud, formatrice. Chargée de mission Accompagnement des démarches de développement durable et de Concertation. Institut de formation et de recherche en éducation à l’environnement (Ifrée).
  • Julien Viau, maître de conférences en sciences de gestion. Co-responsable du master Administration des Entreprises.
  • Béatrice Brenneur, présidente de chambre honoraire. Présidente d’honneur fondatrice du Groupement européen des Magistrats pour la Médiation (GEMME). Présidente de GEMME-France et du Conseil International de la Médiation (CIM).

La table ronde sera animée par:

  • Caroline Asfar-Cazenave, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles. Directrice du DU Médiation et Règlement des Conflits.
  • Myriam Bacqué, médiatrice, formatrice MAISON DE LA COMMUNICATION. Co-directrice du DU Médiation et Règlement des Conflits.

Rendez-vous le jeudi 2 février 2023
de 17h30 à 19h

À la Faculté de Droit
Amphi ESMEIN
Bâtiment Tocqueville
45, rue François de Vaux de Foletier à La Rochelle

Manifestation gratuite et en libre accès dans la limite des places disponibles et le respect des conditions sanitaires » (Extrait de univ-lr.fr du 10/01/2023)

En savoir plus sur https://chaire-participations.recherche.univ-lr.fr/event/table-ronde-mediations-environnementales/

Afrique : Succès de la médiation togolaise dans l’affaire des 49 soldats ivoiriens condamnés par la justice du Mali


« Le président de la transition malienne, Assimi Goïta, a accordé sa grâce avec remise totale de peines aux 49 soldats ivoiriens condamnés par la justice pour ‘crimes d’attentat et de complot contre le gouvernement ; atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat ; détention, port et transport d’armes et de munitions de guerre ou de défense intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle et collective ayant pour but de troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur’, indique un communiqué du gouvernement malien diffusé vendredi soir.

Le texte souligne ‘la profonde reconnaissance du Mali au président de la République togolaise,Faure Gnassingbé, pour ses efforts inlassables et son engagement constant pour le dialogue et la paix dans la région’.

Le Togo a joué depuis juillet dernier le rôle de médiateur pour obtenir la libération des militaires ivoiriens. » (Extrait de republicoftogo.com du 7/01/2023)

En savoir plus sur https://www.republicoftogo.com/toutes-les-rubriques/diplomatie/succes-de-la-mediation-togolaise

Web-projection du documentaire :  » Quand punir ne suffit pas- La justice réparatrice » de Pauline Voisard et organisée par EquiJustice (Québec), le 25 janvier 2023, 15h (utc+1 Europe)


« Le visionnement du documentaire de la réalisatrice Pauline Voisard sera le point de départ d’une discussion entre la réalisatrice, des médiateurs et médiatrices, des personnes médiées ayant participé au film et vous, chers partenaires de la francophonie.

Nous serions ravis de vous compter parmi nous lors de ce rendez-vous des plus enrichissants pendant lequel nous, francophones de tout pays, pourrons partager nos expériences et nos pratiques dans un but commun :  accompagner les personnes en difficulté et les aider à défendre leurs droits, à faire entendre leur voix dedans et en dehors des systèmes de justice pénaux.

L’événement, en ligne et gratuit aura lieu le :

MERCREDI 25 JANVIER 2023 – 15H00 (UTC+1, Europe)

EN LIGNE

Nous aurons le privilège de vous présenter une femme québécoise d’exception et une artiste engagée qui nous livre ici un travail inédit. En nous ouvrant les portes du Service correctionnel Canada et du réseau Équijustice, la réalisatrice Pauline Voisard nous offre une immersion dans un processus remarquable, aux côtés des médiateur.trice.s et des personnes touchées par un crime.

Pour obtenir le lien de connexion à cette e-projection, confirmez votre présence avant le 17 janvier en remplissant le formulaire suivant: https://forms.office.com/r/uMTzL9u9uw

(Présentation de Mathilde Martin Equijutice)